Mis en avant

Qui suis-je?

Après une licence STAPS, une maîtrise de psychologie clinique, un diplôme d’état de coaching, je me suis installée en cabinet libéral en novembre 2013. J’y reçois des adolescents et des adultes en proie à des difficultés de vie et ressentant le besoin d’être accompagnées dans cette étape de vie singulière afin de pouvoir se réinscrire dans leurs existences, se réapproprier leurs propres outils et ressources pour poursuivre leurs évolutions. Mes années d’études, mes valeurs personnelles et mes lectures m’ont permis d’opter pour un cadre théorico-clinique se situant entre la thérapie humaniste et la thérapie psycho-dynamique.

Le modèle humaniste centre l’attention du thérapeute sur l’expérience subjective de l’individu, essentiellement dans le présent. Il s’attache à aider la personne à comprendre ses difficultés, à trouver en elle des solutions afin d’apporter des changements adaptés. L’approche de la thérapie psycho-dynamique est différente dans le sens où elle permet de questionner le sens du symptôme en le mettant en lien avec l’histoire de la personne notamment sa petite enfance et ses conflits irrésolus.

Par mon écoute bienveillante, je tente d’instaurer un climat de confiance, en abordant la personne dans sa singularité et en la plaçant au centre de ce processus. Elle peut ainsi cheminer vers une meilleure connaissance de ses mécanismes psychologiques.

Etant de nature curieuse et énergique, je n’hésite pas à me lancer de nouveaux défis stimulants. Après une spécialisation dans le handicap en master de psychologie et de nombreux stages et emplois dans ce domaine, j’ai eu l’opportunité d’accueillir des enfants et adolescents atteints du trouble du spectre autistique (TSA) pour des séances d’habiletés sociales en individuel et en groupe qui se poursuivent actuellement.

Mon quotidien est par ailleurs ponctué de temps d’enseignement. J’ai reçu une habilitation de l’Université Lyon 1 à enseigner dans des instituts de formation paramédicaux.

Durant mes dix années d’exercice, je n’ai cessé de me documenter, d’apprendre et de me former. J’ai récemment obtenu un diplôme universitaire de préparatrice mentale à l’Université Clermont Auvergne. Au fil de mon parcours, j’ai eu l’opportunité de travailler auprès de nombreux sportifs, notamment dans le monde du basketball et du rugby de haut niveau. Ce dernier diplôme est dans la suite logique de mon parcours : sport, psychologie et coaching.

Ce blog a pour but de faire partager mon intérêt pour la psychologie et la préparation mentale, de faire connaître mon activité et de proposer des articles courts et accessibles à tous sur des sujets qui interpellent ou sur lesquels on m’interroge fréquemment. Pour conclure cette présentation, je précise que mes écrits n’engagent que moi. Ils sont le fruit de mes recherches, formations, expériences mais sont également étroitement liés à mes valeurs, mes centres d’intérêts et ma sensibilité. Ils ne tiennent pas lieu de diagnostic ou de vérités absolues.  En cas de doute ou de questions, tournez-vous vers un professionnel.

Bonne lecture !

Le sentiment d’efficacité personnelle

Le sentiment d’efficacité personnelle est un concept étroitement lié à celui de confiance en soi. Il s’agit de la croyance que l’on a en notre capacité de réussite dans un domaine donné. Comme toute croyance, il s’agit d’un ressenti subjectif pas nécessairement lié à nos compétences réelles dans le domaine en question. Vous pouvez vous demander par exemple, quel est le niveau de votre sentiment d’efficacité personnelle dans les relations sociales? Les mathématiques? La pâtisserie? Selon Bandura, professeur à l’Université de Stanford qui a énoncé cette théorie, quand le SEP est élevé, il constitue un puissant levier de l’action humaine. Il permet de prendre des initiatives, d’être motivé et de persévérer dans l’adversité, mué par la conviction fondamentale que l’on peut réussir et changer les choses par l’action. Cette croyance s’auto-entretient dans le temps puisque le caractère actif de celui qui l’exerce lui permet de développer des aptitudes (qu’il n’avait pas forcément au départ !), d’apprendre au fil de son parcours, de percevoir les bénéfices de cet état d’esprit conquérant et de le transférer vers d’autres domaines.

Selon Bandura, il existerait quatre façons de construire et de renforcer le SEP :

1 – L’expérience active de maîtrise est l’une des sources qui a le plus d’influence sur le SEP. Le fait d’entrer dans l’action va statistiquement augmenter les chances de succès donc renforcer la croyance positive que l’on dispose d’atouts pour réussir. Plus une réussite aura été difficile à atteindre, plus le SEP se renforcera. Par ailleurs, au sein même de l’action, nous allons éprouver nos compétences, les rendre encore plus efficientes tout en comprenant l’accès à la réussite.

2 – L’expérience vicariante consiste à apprendre en s’inspirant des autres, en comprenant ce qui les a menés au succès. En observant leurs réussites, nous réalisons que la nôtre est possible aussi.

3 – La persuasion verbale est le fait de se croire capable de réussite grâce aux encouragements, conseils et avertissements de personnes significatives. Sa portée est limitée sans une entrée véritable dans l’action mais le sentiment de légitimité ou d’expertise peut être renforcé par les paroles encourageantes d’un tiers reconnu justement comme légitime ou expert dans le domaine visé.

4 – Enfin la gestion des états physiologiques et émotionnels joue un rôle important dans un parcours d’évolution et concernant les croyances qui lui sont rattachées. En évaluant ses capacités, une personne se base en partie sur l’information transmise par son état physiologique et émotionnel. Une mauvaise régulation de celui-ci pourrait entraîner une mauvaise lecture de la situation ainsi que des doutes voire une résignation prématurée.

Ces quatre sources d’information se combinent et sont bien sûr liées à la réceptivité ou non de l’environnement.

La valence positive ou au contraire négative de notre sentiment d’efficacité personnelle dans un domaine va avoir des conséquences concrètes allant au-delà de nos compétences réelles dans celui-ci :

– Un SEP élevé va tout d’abord avoir un fort impact sur la motivation à se lancer dans de nouveaux projets puisque l’aboutissement de celui-ci est globalement perçu comme positif. La personne se projette vers un scénario positif, ce qui la dynamise.

– Il va également avoir une incidence sur la détermination à mener ce projet. Une personne convaincue d’un résultat favorable persévérera davantage dans l’adversité. Elle sait que les difficultés sont inhérentes au parcours et les accepte. Les personnes qui ressentent un faible sentiment d’efficacité personnelle se résigneront plus rapidement, l’adversité venant « confirmer » leur incapacité à mener à bien ce projet.

– Les personnes qui croient fermement en leurs capacités de réussite abordent les tâches difficiles comme des challenges plutôt que comme des menaces à éviter, ce qui augmente l’intérêt qu’elles y trouvent.

– Les personnes avec un SEP élevé auront une capacité plus rapide à se remettre d’un échec, convaincues qu’elles peuvent avoir un contrôle concret sur les difficultés, grâce à l’action.

– Le SEP poussant à agir et donc à développer et éprouver ses compétences, permettra en outre d’obtenir des retours objectifs fort utiles : Dans quels domaines suis-je réellement efficient ? Dans quels domaines dois-je encore progresser ? Quels sont les leçons à tirer de cette expérience ? Sur la base d’une perception subjective, on obtiendra des données objectives et essentielles aux réussites futures.

– En conséquence du point précédent, les personnes avec un SEP élevé aborderont le projet de manière plus analytique et stratégique car elles seront moins influencées par leurs émotions (exceptées les émotions positives telles que l’épanouissement et la satisfaction !).

Pour Bandura, l’idéal serait de disposer de compétences ET du sentiment que l’on peut réussir. On peut imaginer que le premier prévaut sur le second mais la réalité semble plus complexe. Une personne douée d’aptitudes ne saura les mettre à profit et les développer si elle ne passe pas par la mise en action. Les compétences sont donc limitées voire annulées par le doute ou l’inaction, car elles n’ont de valeur qu’à l’usage. A l’inverse, une personne possédant de faibles capacités dans un domaine les développera au fil du temps si elle les met à l’épreuve de l’expérience avec détermination et persévérance.

L’amélioration de son SEP passe donc par le fait d’oser se lancer et de découvrir différentes activités pour sentir que l’on y développe différentes compétences transférables mais aussi par un travail sur le long terme dans ces différents domaines :

Pour conclure, le sentiment d’efficacité personnelle a une influence sur la manière de penser, de se motiver et de se comporter des individus. Il est un puissant vecteur d’épanouissement et de confiance en soi. Certaines personnes possèdent un SEP élevé de manière innée mais c’est une croyance qui peut aussi s’acquérir. Il ne s’agit aucunement d’être surconfiant ou dans le déni des risques et difficultés mais au contraire d’avoir un regard positif et stratégique sur son évolution, de se donner les moyens de réussir et d’être acteur de sa vie. Bandura explique que le SEP produit cinq grands types de conséquences vertueuses : ambition, persévérance, résilience, pensée analytique et gestion émotionnelle. Dans l’action, des compétences cognitives, sociales, émotionnelles et comportementales se développeront et s’organiseront pour servir d’autres buts.

S’affirmer

S’affirmer aux yeux du monde n’est pas chose facile. Cela signe la capacité de croire suffisamment en soi pour exprimer ses opinions, sa personnalité et ses émotions de manière authentique et respectueuse. Beaucoup de personnes, athlètes ou non, évoquent cette compétence comme un objectif qui leur permettrait d’évoluer avec confiance et satisfaction que ce soit personnellement ou avec les autres. Je vous propose aujourd’hui de nous arrêter quelques instants sur cette notion, afin d’en percevoir plus nettement les contours, les fondements et les implications.

Tout d’abord, l’affirmation possède un étroit lien avec autrui. Il s’agit d’être capable d’aller au devant des autres de manière authentique, pour exprimer ce que l’on pense et ressent, tout en prenant en compte et respectant ce que notre interlocuteur pense et ressent lui aussi. Une personne affirmée sait donc se faire respecter sans imposer ou manipuler. Elle exerce ses droits sans empiéter sur ceux des autres. Par ailleurs, elle se connaît bien et dispose d’un point de vue clair et réfléchi. Elle sait argumenter autour de lui et le défendre. Enfin, elle exprime ses besoins et ses désirs : elle sait poser des limites aux autres.

Même si certaines personnes vont être aidées par des dispositions naturelles dans cette entreprise, les auteurs s’accordent à dire que la capacité à s’affirmer peut faire l’objet d’un apprentissage. Elle repose sur les compétences suivantes :

  • La connaissance de soi et l’authenticité
  • L’estime de soi
  • L’intelligence émotionnelle et l’empathie
  • Les capacités de communication et d’écoute
  • La tolérance et le respect de l’autre

La connaissance de soi et l’authenticité :

La connaissance de soi repose sur une appréhension fine et aussi objective que possible de ses traits de caractère, de son fonctionnement, de ses intérêts et de ses valeurs. L’affirmation n’existe qu’à travers l’authenticité et la cohérence. Mais avant d’accéder à cet alignement, il est fondamental de partir à la découverte de soi. A noter que les valeurs constituent l’un des fondements de la capacité à s’affirmer car elles ont une influence sur l’orientation des actions des individus auprès des autres. Elles constituent la base de l’éthique personnelle. La connaissance de soi se traduit pour finir par une analyse de nos peurs, croyances, blocages… afin d’éviter qu’ils biaisent notre jugement.

L’estime de soi :

L’estime de soi est la perception plus ou moins bonne que l’on a de nous-mêmes au regard de la valeur que l’on s’accorde, du respect que l’on a pour soi et de l’appréciation de nos capacités. Elle est indissociable de la notion d’affirmation car il est nécessaire de se reconnaître une certaine valeur pour oser affirmer aux yeux du monde qui l’on est et ce que l’on pense mais aussi résister aux pressions pour ne pas se laisser influencer ou manipuler. Un point central et délicat est la capacité à dire « non ». Exprimer un refus ou une limite entretient de manière vertueuse son estime de soi-même et évite de se retrouver contraint et forcé à faire une chose qui n’aurait pas de sens pour nous. L’estime de soi va donc nous motiver à nous affirmer pour nous protéger, pour défendre une opinion ou simplement pour apporter sa pierre à l’édifice.  

L’intelligence émotionnelle et l’empathie :

L’intelligence émotionnelle est la capacité d’un individu à percevoir, maîtriser et réguler ses émotions ainsi que celles des autres. Sans cette compétence, la personne pourra manquer de contrôle au moment de s’affirmer, ne pas se représenter les répercussions émotionnelles de la situation chez l’autre ou encore se laisser distraire par les émotions qui l’entoure. L’intelligence émotionnelle est l’une des garanties du fragile équilibre entre soi et l’autre dans la volonté de s’affirmer. En effet, en reconnaissant par empathie les sentiments d’autrui, on pourra s’engager dans un échange compatissant, dénué de jugement et respectueux. Mais il est essentiel ne pas oublier les nôtres pour autant. Si des émotions se font sentir, elles contiennent certainement un message à prendre en compte.

Les capacités de communication et d’écoute :

Lorsque nous nous affirmons, notre langage doit être précis, simple et en cohérence avec notre vision des choses. La communication non-verbale a également son importance : le ton de la voix, l’expression du visage, le regard, la posture favorisent l’affirmation de soi. On privilégiera le « je » qui permettra d’évoquer sa position sans attaquer celle de l’autre. Une personne affirmée ne domine pas les autres. Elle se démarque sans agressivité, avec les arguments adéquats. Il est également important de décrire la situation de manière objective en s’appuyant sur des faits. L’objectif est d’offrir un espace sécuritaire « gagnant-gagnant » pour échanger favorisant l’écoute et la formation d’un compromis qui convienne aux diverses parties.

La tolérance et le respect de l’autre :

Savoir s’affirmer sans prendre le pouvoir passe forcément par une tolérance et une ouverture à l’autre. Il est essentiel de le considérer comme ayant son parcours, son système de valeurs personnel, sa culture, un fonctionnement propre qui diffèrent inévitablement du nôtre. La différence entre la volonté de convaincre et la manipulation est parfois ténue. La charge émotionnelle de l’échange peut parfois nous amener à attaquer, déprécier… Considérer son interlocuteur comme un égal ayant des droits nous protège en partie de ces écueils.

A noter que s’affirmer c’est aussi accepter d’affronter certaines de nos peurs et croyances telles que la peur de blesser, d’aller au conflit, de ne pas assumer sa prise de position dans la durée, de se faire remarquer ou juger négativement, de ne pas plaire… S’affirmer n’est assurément pas un acte facile !

Pourtant, il a son importance à différents niveaux. C’est un vecteur d’estime  et de connaissance de soi. En l’expérimentant, nous pourrons en apprendre davantage sur nous et améliorer nos compétences relationnelles. Nous aurons la possibilité de ressentir la sensation d’agir en cohérence avec nos convictions personnelles donc de nous respecter intimement, ce qui à son tour renforcera l’estime que nous nous portons. S’affirmer c’est aussi se protéger, poser des limites à l’autre et se mettre à l’abri de l’insatisfaction et de la frustration liées à la passivité. Ne plus subir, ne pas se compromettre, gagner en liberté, c’est se respecter et s’aimer. L’acte d’affirmation pose les jalons d’une relation saine et respectueuse avec soi mais aussi avec l’autre. Par effet miroir, on obtiendra certainement son respect et sa confiance. Comme beaucoup de compétences, plus on l’expérimente, plus son expression devient naturelle et efficace.

En conclusion, s’affirmer est une tâche complexe car subtile et délicate. Il est bien sûr important de choisir ses « batailles » et d’évoluer dans cette voie de manière progressive si on le souhaite. Elle nécessite équilibre, flexibilité, empathie ainsi qu’une fine connaissance de soi. Elle comporte de nombreux avantages et semble engager la personne qui l’expérimente dans une dynamique bénéfique faite de liberté et de respect de l’autre, favorisant l’estime de soi et l’harmonie interne. Elle est donc essentielle pour s’accomplir, se respecter et bien vivre avec les autres.

Le discours interne

Le discours interne correspond aux verbalisations que l’on s’adresse à soi-même à voix haute ou sous la forme d’une voix intérieure. Il s’exprime aussi à travers notre comportement non-verbal. Hackfort et Schwenkniezger (1993) le définissent comme « un dialogue à travers lequel les individus interprètent leurs émotions et leurs perceptions, régulent et modifient leurs évaluations ainsi que leurs convictions et se donnent des instructions et des encouragements ».

Dans le domaine sportif, le discours interne se distingue selon sa visée cognitive (« bras bien tendus »)  ou motivationnelle (« tu peux le faire ») mais aussi selon sa tonalité positive ou négative et son caractère automatique ou volontaire. On s’intéressera enfin à sa fréquence et à la syntaxe utilisée.

Une étude datant de 2006 a permis d’identifier huit catégories de discours interne :

En fonction du contexte au sein duquel il évolue, l’athlète va mettre en place un discours interne pour s’auto-réguler. Il s’agit donc d’une stratégie cognitive étroitement liée à ses perceptions, son fonctionnement et ses croyances. Elle peut soutenir sa performance ou au contraire la desservir.

Prenons l’exemple du gymnaste qui observe des concurrentes très performantes durant l’échauffement. Si elle se dit : « je suis nulle comparée à elles », « je ne me qualifierai jamais », « qu’est-ce que je fais là ? »… il y a fort à parier que cela fragilise sa confiance en elle et engendre des doutes, du mauvais stress, une moindre concentration liée à la gestion de ces émotions… Dans ce contexte, elle aura des difficultés à se mobiliser et à exprimer son potentiel, convaincue qu’elle n’a aucune chance de remporter la compétition ou de se qualifier.

Mais à l’inverse, la boucle ci-dessus peut être vertueuse. Le discours interne peut avoir une influence favorable à la performance en améliorant la concentration, la motivation, la gestion émotionnelle mais aussi l’exécution d’un geste technique ou la mise en place d’une stratégie adaptée. Il permet en outre un meilleur contrôle des pensées parasites et du niveau d’activation.

Un discours interne efficace passe par une connaissance fine de son propre fonctionnement, de son système de croyance et de ses réactions. On cherchera ensuite à repérer les discours internes automatiques et leurs contenus. Pour une part, l’idée est d’opérer un reconditionnement des pensées en remplaçant le discours automatique négatif pas un discours délibéré positif et/ou utile à la performance. Cette stratégie cognitive permet d’interpréter la situation de la manière la plus objective possible et de se donner des instructions pertinentes et constructives. Cependant, tout discours interne négatif n’est pas bon à jeter. Une grossièreté ou un auto-reproche ponctuel peuvent être utiles pour évacuer sa frustration, se remotiver ou se reconcentrer. De manière générale, ce travail autour du discours interne doit faire l’objet d’une réflexion, d’un apprentissage et d’un entraînement en amont de la compétition.

Cependant, il est impossible d’éliminer toutes les pensées négatives qui sont inhérentes au fonctionnement humain. Il est important de les identifier, de les accepter et de faire en sorte qu’elles « ne s’accrochent pas ». Ainsi, elles n’auront pas d’impact délétère sur la performance. La méditation de pleine conscience peut être bénéfique dans cette optique.

Pour un discours interne optimal, il est important d’observer les principes suivants :

  • Eviter les injonctions du type « je dois » ou « il faut ».
  • Proscrire les tournures négatives, le cerveau a tendance à retenir cette tonalité même si la phrase est positive.
  • Utiliser des termes qui ont du sens, ne pas emprunter son discours à un autre.
  • Se centrer sur le moment présent ou le futur proche.
  • Penser à l’acronyme MIM : Moi, Ici, Maintenant.
  • Faire le lien entre son discours interne et ses objectifs de maîtrise.
  • S’appuyer sur des routines travaillées en amont pour un discours interne fonctionnel.

Attention : Les paroles de l’entraîneur ont une forte influence sur le discours interne de ses athlètes !

En résumé, la manière dont on se parle semble influencer plus ou moins nos émotions et comportements donc nos performances. Il est fondamental de ne pas subir passivement ce phénomène si il la dessert, car il a tendance à s’intensifier dans le temps. Il peut constituer l’un des rouages d’un système de croyances limitantes. Avoir conscience de l’impact de son discours interne est fondamental. La personne la plus importante à qui vous parler tous les jours, c’est vous.

L’estime de soi

L’estime de soi est un concept complexe et multidimensionnel. Néanmoins, les auteurs se rejoignent pour dire qu’il s’agit de la perception plus ou moins bonne que l’on a de nous-mêmes. Plus précisément, ce ressenti, rarement neutre, correspond à la valeur que l’on s’accorde, au respect que l’on a pour soi et à l’appréciation de nos capacités. Il est indissociable de l’importance accordée au regard d’autrui. Cette évaluation singulière aura des conséquences sur nos comportements, nos pensées et sur nos émotions.  

Cette simple introduction permet d’entrevoir le caractère ardu et abstrait de cette notion. Il me semble donc nécessaire de définir les différents attributs la composant :

La valeur accordée à soi-même est intimement liée aux valeurs qui sont les nôtres et au respect de celles-ci. Si nos valeurs et nos actes sont relativement en accord, cet attribut sera positif.  

L’acceptation de soi correspond à la connaissance et à l’acceptation du fonctionnement qui est le nôtre: nos atouts, nos compétences mais aussi nos faiblesses et limites. L’acceptation de soi rejoint les notions d’authenticité et d’équilibre interne.

Le sentiment de compétence est la connaissance objective de nos capacités et l’utilisation concrète de celles-ci dans la réalisation de nos projets. Ce sentiment a un impact sur la motivation, la résilience et la persévérance. Cette notion est très proche de celle de confiance en soi.

L’attitude envers soi-même correspond à la capacité à prendre soin de nous en posant des actes constructifs pour soi et en posant des limites nettes avec les autres afin de garantir notre intégrité. On y attache également la notion de discours interne (de quelle manière je me parle à moi-même ?). Nous touchons ici à  la composante dynamique de l’estime de soi.

Le respect de soi concerne la considération que l’on a pour soi, pour notre singularité, nos valeurs et notre dignité. Il s’agit de se respecter suffisamment afin de s’affirmer, oser être soi et se différencier des autres.

L’image de soi est la construction de notre corps dans notre esprit.

Ces différentes dimensions s’influencent mutuellement. Il en résulte une évaluation subjective de soi qui s’avèrera positive ou négative. On peut regrouper les facteurs qui déterminent la construction de l’estime de soi et son évolution selon trois catégories :

L’enfance :

La qualité des relations parents-enfant va conditionner la construction de l’estime de soi. Elle va en assurer les bases. En effet, si ses besoins affectifs et éducatifs sont comblés et s’il perçoit un amour parental inconditionnel, l’enfant va intérioriser le regard positif de l’autre sur lui. Le caractère « inconditionnel » du lien affectif parents-enfant est primordial car il signifie que la valeur de l’enfant n’est pas dépendante de ses réussites, de ses notes… Il intégrera sa valeur intrinsèque et le respect de sa singularité. Les encouragements et l’affection lui donneront une confiance qui favorisera son autonomie et sa volonté d’exploration. Elles nourriront à leur tour l’estime. Sa bonne perception de lui-même sera alors relativement stable. A l’inverse, un amour parental conditionnel, un manque de chaleur dans les relations, une instabilité éducative et affective, un dénigrement répété mais aussi des difficultés extérieures au foyer tel que le harcèlement, le rejet, les difficultés scolaires peuvent impacter négativement l’estime de soi. Ces attitudes délivreront de manière implicite et répétée l’idée que l’enfant n’est pas « aimable », pas à la hauteur. Il intégrera cette idée et y « adhérera » au fil du temps. Enfin, le tempérament de l’enfant peut influencer sa perception de lui-même. S’il est sensible, anxieux ou particulièrement perfectionniste, il risque d’exiger beaucoup de lui-même, d’être attentif aux attentes de son entourage et de se dévaloriser fréquemment.

Perception interpersonnelle :

De nombreux auteurs s’accordent à considérer le regard et le jugement d’autrui comme des déterminants fondamentaux de l’estime de soi. Les interactions sociales permettraient de l’ajuster selon l’image renvoyée en miroir par les autres. Se sentir compétent et reconnu par autrui, principalement dans des domaines qui nous tiennent à cœur, impacterait positivement notre estime personnelle. C’est également le cas des relations harmonieuses avec les autres. La sensation d’être approuvé et considéré tel que nous sommes par autrui participerait à la tonalité positive de notre image de nous. A l’inverse, les relations toxiques, la malveillance, le rejet, le harcèlement subi de manière régulière… ont des effets dévastateurs sur l’estime de soi. A la manière de l’impact négatif des brimades parentales répétées, la victime résiste un temps puis finit par douter d’elle-même et de sa valeur.

Perception intrapersonnelle :

Enfin, la tonalité de l’estime de soi est étroitement liée au fonctionnement interne de l’individu. Elle va être conditionnée par le rapport et l’éventuel écart entre le soi réel et le soi idéal. Par ailleurs, la connaissance de son propre fonctionnement ainsi que de ses valeurs et besoins semble être un pré-requis fondamental puisqu’il conditionnera le respect secondaire de ces éléments. En outre, les expériences de vie et l’évaluation par l’individu de celles-ci impacteront cette dimension. Certains traits de caractère jouent un rôle non négligeable dans ce phénomène : l’optimisme, l’ouverture d’esprit, la détermination, la perspicacité, les qualités d’adaptation… la favoriseront quand le pessimisme, la négativité et le perfectionnisme excessif… l’impacteront négativement. A noter, enfin, qu’une estime de soi élevée et stable entraînera la personne dans un cercle vertueux fait de respect de soi et de ses besoins, d’affirmation et de relations sociales saines qui renforceront à leur tour cette composante.

La valence de l’estime de soi (bonne ou mauvaise) rejaillira sous forme de conséquences cognitives, comportementales et émotionnelles :

ESTIME DE SOI FORTEFAIBLE ESTIME DE SOI
Relative stabilité de l’estime et indépendance vis-à-vis des échecs et réussites

Croyance en ses compétences et en sa capacité à surmonter les obstacles

Bonne connaissance de soi   Reconnaissance de ses défauts, faiblesses, insuffisances

Authenticité quelque soit le contexte

Autonomie

Moindre attachement au jugement d’autrui  

Capacité à s’affirmer, à se défendre, à poser des limites nettes pour sauvegarder son intégrité et sa dignité
Peur de l’échec, perçu comme une menace pour l’ego

« Sur-perception » de ses défauts, faiblesses, insuffisances  

Fatalisme, frustration, culpabilité, impuissance, indécision, négativité

Grande sensibilité au jugement d’autrui

Discours interne sur soi négatif/dévalorisant

Préoccupation pour l’image renvoyée au monde, sensation de « jouer un rôle » dans certains contextes

Difficulté à dire « non », à se défendre, évitement du conflit

Sentiment d’imposture en cas de réussite

Difficulté à se reconnaître des atouts, des compétences, des qualités

Jalousie ou envie

Difficulté à accueillir la rétroaction qu’elle soit positive ou négative

Attitude défensive, irritabilité

Tendance récurrente à se comparer à autrui

Sur le plan cognitif, les dissemblances entre estime forte et faible tiennent entre autre à la perception de l’échec. Les personnes à faible estime vont le redouter et en tirer des conclusions biaisées à propos de leurs valeurs, de l’avenir et de leurs responsabilités. On observe notamment une généralisation quant à son incapacité et une contamination à d’autres domaines. Pour résumé, face à un échec, la personne qui présente une basse estime d’elle-même conclura qu’elle est incompétente dans bien des domaines et que ce sera toujours ainsi. Cela alimentera son discours interne critique et la freinera au moment d’entreprendre dans le futur. Elle ne bénéficiera donc ni des leçons des échecs, ni des gratifications de ses réussites. A l’inverse, la personne qui s’estime accepte les obstacles et échecs comme faisant partie intégrante de tout processus d’évolution et n’en tire pas de conclusions générales à propos de l’avenir, d’elle-même ou de ses capacités. De façon générale, les personnes ayant une bonne estime d’elle-même se comparent peu aux autres. Quand elles le font, une étude a montré qu’elles se comparaient plus facilement vers le bas (il y a pire que moi) tandis que leurs homologues à faible estime le font vers le haut (il y a mieux que moi).

La tonalité de l’estime de soi va également avoir des conséquences comportementales. Elle va conditionner la capacité à passer à l’action, à oser s’engager, à se mobiliser pour les projets importants, à persévérer, à communiquer ses opinions efficacement et sereinement, à décider, à se défendre en cas de besoin c’est-à-dire… à S’AFFIRMER et à se réaliser en tant qu’être humain! Les personnes ayant une faible estime d’elles-mêmes présentent une plus nette propension à abandonner face aux difficultés. Elles procrastinent et prennent en compte l’éventuel jugement des autres pour décider et agir. Cette attitude subie nourrit la mauvaise image qu’elles ont d’elles-mêmes car elles ont pleinement conscience de ces derniers points.

Cela me permet de faire le lien avec la dernière conséquence notable de l’estime de soi : la sphère émotionnelle. Les personnes que j’accompagne au cabinet ont toutes une perception extrêmement lucide des phénomènes cités précédemment, ce qui entraîne logiquement frustration, sentiment d’impuissance, culpabilité, tristesse…  et finit par jouer sur leur humeur globale. A l’inverse, les personnes ayant une estime stable et forte sont plus résilientes car elles font preuve d’un optimisme adaptatif qui leur permet d’imaginer qu’elles auront les ressources nécessaire pour faire face. Cela leur garantit une relative stabilité émotionnelle, une spontanéité, une sensation d’harmonie, d’authenticité, de sécurité, un bien être relationnel… qui les mettront plus à l’abri de la manipulation et des troubles psychiques.

Pourtant, la fragilité de l’estime de soi n’est pas une fatalité. Il convient tout d’abord de comprendre ce qui a pu modeler un tel regard sur soi et notamment d’investiguer du côté des jeunes années et des relations précoces. Cette prise de conscience permettra peut être d’attirer votre attention sur certaines pensées  et conduites conditionnées par votre enfance et qui entretiennent le cycle de la faible confiance en soi. Ce sera ensuite à l’adulte que vous êtes désormais de cultiver l’acceptation et la valorisation de soi dont l’enfant que vous avez été a manqué. Pour cela, il me semble important d’explorer ces différentes idées :

  • Apprenez à vous connaître de manière aussi objective que possible, connaissez vos qualités/défauts, compétences, faiblesses, limites, atouts, croyances, valeurs, freins, fiertés, blocages…
  • Demandez à vos proches qu’ils vous citent vos forces et atouts. Vous risquez d’être surpris non seulement par leur perception qui sera surement moins sévère que vous l’imaginiez mais surtout moins sévère que votre propre évaluation de vous-mêmes.
  • Faites une liste de vos succès passés : vous constaterez qu’ils sont plus nombreux que vous ne l’imaginiez. Relisez cette liste quand votre estime décline.
  • Amorcez des projets liés à vos aspirations et besoins, passer à l’action, osez prendre des risques mesurés et progressifs.
  • Considérez le positif consciemment, soyez fier(e)s de vos petites et grandes réussites et de votre évolution. Prenez le temps de les apprécier et assumez en la maternité.
  • Pratiquez l’exercice physique ! De nombreuses études ont démontré ses bienfaits pour l’estime de soi en favorisant le sentiment de puissance et de maîtrise.
  • Cessez de vous comparer aux autres, concentrez vous sur votre évolution personnelle, mesurez-vous à vous-même.
  • Prenez conscience du discours interne que vous tenez à propos de vous. Tentez de le neutraliser, de le moduler voire même de développer un discours bienveillant à votre égard. N’oubliez pas, « La perception est la réalité ».
  • Soyez conscient du niveau d’exigence que vous avez vis-à-vis de vous ? Est-il réaliste ? Atteignable ? Ambitieux ? Démesuré ? Si tel est le cas, la confrontation à cette vision « parfaite » de vous vous mettra perpétuellement en échec.
  • Fixez vous des objectifs et des paliers vers l’atteinte de votre projet. Ils renforceront le sentiment de maitrise sur sa vie et la capacité à être à l’origine des effets que l’on désire.
  • Choisissez l’une de vos compétences et développez-la. Elle renforcera votre sentiment d’efficacité personnelle.
  • Faites du tri autour de vous, mettez de la distance (physique ou psychologique) avec les personnes qui impactent négativement votre estime de vous.
  • Soyez intègres. Maintenir l’alignement entre ses valeurs et ses comportements est fondamental.
  • Affirmez-vous de manière assertive, pour des batailles qui en valent la peine. En posant ces limites, vous œuvrerez pour la paix et l’harmonie de votre environnement.

Une estime de soi forte est avant tout caractérisée par sa stabilité et non son infaillibilité. C’est un idéal dont on doit chercher à se rapprocher et pour lequel il est bon d’œuvrer en continu.

L’estime de soi résulte donc d’une évaluation subjective de sa valeur par une personne. Elle trouve son origine dans l’enfance mais évolue tout au long de la vie en fonction des liens sociaux, des expériences et de la relation que la personne entretient avec elle-même. Il est important que cette dernière soit aussi lucide, bienveillante et saine que possible afin de garantir une estime de soi forte et stable. Cette dimension de la personnalité mérite qu’on lui accorde de l’importance car elle influence presque tous les aspects de la vie. Elle joue un rôle clé sur les plans identitaires et adaptatifs mais fonctionne aussi comme un « système immunitaire du psychisme ». En nous protégeant face à l’adversité, elle assure un rôle essentiel pour notre santé mentale et nous aide à maintenir notre équilibre interne ainsi que des relations saines avec les autres.

Soyez vous-mêmes, tous les autres sont déjà pris (Oscar Wilde).

La première et la plus belle victoire de l’homme est la conquête de soi-même (Platon).

Le premier ennemi à combattre est à l’intérieur de soi. Souvent, c’est le seul (Christine Orban).

J’accepte la grande aventure d’être moi (Simone de Beauvoir).

La culpabilité

La culpabilité est un sentiment nécessaire dans le développement et la vie d’un individu. Après avoir intégré les notions de bien et de mal par le biais de son éducation, la personne va construire une grille de valeurs personnelles lui permettant de distinguer ce qu’il est acceptable/juste/bon, de ce qui ne l’est pas. Elle développera ainsi son identité, son empathie et son lien à autrui.

A l’origine, la culpabilité est donc un sentiment utile et sain qui découle de la désagréable sensation d’avoir commis une faute dans une situation où l’on avait le choix de ne pas la commettre. La perception de la dite faute provient du décalage ressenti entre ses valeurs et les actes posés. On se juge alors responsable d’une entorse à notre propre code de conduite. S’en suivent d’autres sentiments comme la honte, le scrupule, le regret… Ceux-ci étant pénibles à vivre, ils amènent à réfléchir sur son attitude et aboutissent généralement au désir de s’amender et de se conduire de manière plus acceptable à l’avenir. Il s’agit alors d’une saine remise en question.

La culpabilité, comme la plupart des émotions, est donc rattachée à une notion de survie de l’espèce grâce aux apprentissages personnels qui en découlent mais aussi de part sa fonction de régulation sociale. Le respect des normes sociales et/ou morales et la crainte de la sanction en cas de transgression favorisent la vie en collectivité et la sécurité de ses membres.

Cependant, il arrive que la culpabilité prenne la forme d’une critique permanente et sévère vis-à-vis de soi-même. Le curseur indiquant une faute réelle semble déréglé. L’interprétation de la situation est biaisée et la personne endosse la responsabilité d’actes dont elle n’est aucunement coupable. Pire ! La personne peut rationnellement reconnaître qu’elle n’est pas fautive mais vivre tout de même des émotions de culpabilité. Ce phénomène, dont l’origine et les manifestations sont plus ou moins conscients, correspond à  la sensation de ne pas avoir été à la hauteur, de ne pas mériter son succès, d’avoir usurpé un statut ou un rôle, de ne pas répondre aux attentes des autres et de la société…  et entraîne mal être, conflits internes, ruminations et remise en question incessante.

Cette tendance peut trouver son origine dans une faible estime de soi, un refus d’assumer ses désirs et choix mais aussi une histoire précoce marquée par des images parentales critiques, exigeantes et/ou rigides. La culpabilité excessive sera fréquemment ressentie par les personnes hypersensibles, anxieuses ou encore celles qui souffrent de dépression. Enfin, les personnes victimes d’abus ou de maltraitance peuvent avoir intériorisé une culpabilité distillée par l’agresseur ou le bourreau.

On peut donc appréhender le sentiment de culpabilité selon l’intensité ressentie, la fréquence d’apparition et la tonalité des conséquences comportementales :

– La culpabilité « saine » est ressentie ponctuellement et constitue un indice informationnel précieux reflétant la transgression du sens moral de l’individu, la reconnaissance de ses torts et sa volonté de réparation (excuses, pardon, changement d’attitude, apprentissages, empathie, entraide…). Elle renforce le sentiment de responsabilité personnelle vis-à-vis d’autrui.

– La culpabilité excessive et consciente va correspondre à la tendance à s’attribuer des fautes qui ne nous incombent pas. On se sent coupable alors que l’on n’est pas responsable ou que l’on ne possède pas de contrôle sur la situation. Cela va de pair avec la rumination mentale, la baisse de l’estime de soi, l’anxiété et la sensation pourtant infondée que l’on aurait pu changer le cours des choses. La culpabilité étant une boussole interne pour distinguer le bien du mal et l’acceptable de l’inacceptable, le risque est grand de douter de son propre jugement dans le cas où ce curseur se déréglerait. On observe alors une forte sensibilité au chantage affectif et à la manipulation.  

– Il existe enfin une culpabilité inconsciente intériorisée de manière précoce. La personne va inconsciemment chercher à être punie et va s’auto-saboter ou procrastiner comme si elle ne méritait pas la réussite et le bonheur. Elle va répéter des schémas destructeurs qui vont alimenter sa culpabilité, sa faible estime d’elle-même, sa difficulté à poser des limites et donc le cercle vicieux au sein duquel elle se trouve. Une manifestation tangible et observable de ce phénomène est une forme d’altruisme disproportionné, un sens du sacrifice excessif, une sensation de ne pas poursuivre ses projets et aspirations au profit de ceux des autres.

Considérée comme particulièrement toxique sur le plan psychique, la culpabilité chronique participe à une détérioration progressive de l’humeur, à une fragilisation narcissique et à l’épuisement des ressources personnelles. A la fois cause et conséquence, elle peut être intense au point d’affecter l’énergie physique et psychologique de l’individu.

Il existe néanmoins des façons de canaliser ce sentiment et de parvenir à un niveau d’introspection plus juste et objectif :

Comme pour toute émotion, il est essentiel de repérer sa culpabilité, d’en saisir les causes et les conséquences. On peut se questionner de la façon suivante : Quelle était mon intention lorsque je me suis engagée dans cet acte ? Suis-je responsable de son issue ? Le but étant de réparer le fameux curseur défectueux et de distinguer la sensation d’être coupable de la réelle culpabilité.

Une bonne connaissance de soi, de ses croyances et de son système de valeurs personnels favorisent une analyse aussi objective que possible des évènements.

Il est fondamental d’améliorer son estime de soi : le respect et la valeur que l’on s’accorde, les limites que l’on se fixe et que l’on fixe aux autres.

Un travail thérapeutique peut permettre de mettre à jour des schémas dysfonctionnels et répétitifs et de questionner la culpabilité ancrée profondément en soi.

Si l’on constate que l’on a réellement outrepassé son code moral personnel, réparer sa faute peut constituer une solution adéquate : s’excuser, tirer des leçons de sa conduite, se pardonner, avoir de la compassion pour soi… Ruminer les faits passivement et tenter de réécrire l’histoire n’apportera probablement rien de bien constructif.

Faire preuve de flexibilité et d’indulgence vous permettra de prendre de la distance avec les exigences et impératifs moraux que vous vous imposez peut être. Il est essentiel de rendre à la culpabilité sa fonction de signal d’alerte et non de lui conférer un rôle de censeur intransigeant nous renvoyant sans cesse à nos supposées insuffisances.

Ces obligations morales imposées peuvent être liées à la volonté de contenter autrui. Il est important de prendre du recul sur ce point et de replacer la question de la responsabilité à sa juste place. En comblant les besoins des autres avant les siens perpétuellement, le risque est grand d’incarner ce rôle en réponse aux attentes des autres. Cet oubli de soi risque de fragiliser davantage l’estime que vous vous portez et de nourrir le cercle vicieux de la culpabilité. Il me semble important de prendre de la distance avec les personnes qui suscitent ce sentiment dans votre entourage.

Il est bon d’apprendre à dire « non » et de poser des limites pour soi et pour les autres. Ne pas promettre si on ne peut pas respecter son engagement est une bonne manière de ne pas ressentir de culpabilité.

Il est indispensable de lâcher prise et d’accepter que l’on ne peut pas tout contrôler. Dans une situation donnée: Qu’est-ce qui dépend de mon champ d’action ? Qu’est-ce qui échappe à mon contrôle ?

Enfin, il est primordial de ne pas culpabiliser face au bonheur ou à la réussite ! Mon point de vue sur la question est aussi simpliste que capital: On ne peut rechercher le bonheur partout mais le juger illégitime lorsqu’on le touche du doigt!

Le sentiment de culpabilité correspond donc au décalage entre les normes morales et sociales intériorisées et nos actes. Il fonctionne comme un guide pour agir de façon congruente avec nos valeurs profondes. La pertinence de nos principes est réaffirmée par la sensation pénible que l’on ressent lorsqu’on les transgresse. On peut ainsi réajuster sa conduite. En cela, la culpabilité est l’un des garants de notre structuration et de notre cohérence en tant qu’individu. Il est donc fondamental de maintenir en état de marche ce système d’alerte personnel et de continuer de développer cette manière d’être-au-monde car elle a DU SENS.

CHANGER

Ce n’est un secret pour personne, nous sommes des êtres remplis de paradoxes. Et il en est un qui m’a souvent interrogé : pourquoi est-il à la fois essentiel mais aussi si difficile de changer ? Les sensations de frustration, d’insatisfaction et de stagnation sont parmi les plus pénibles à éprouver mais elles se heurtent parfois à notre instinct de conservation, à notre peur de l’inconnu et aux stratégies de résistance au changement que nous mettons en place… Nous avons tendance à nous cramponner au connu, aux habitudes, à la stabilité car ils représentent la sécurité et garantissent un relatif équilibre de vie. Mais qu’en est-il quand une volonté de changement naît et grandit en nous ? Il n’est pas rare d’être paralysé par ce conflit interne, cette inertie générant à son tour honte et culpabilité. Alors comment et pourquoi changer ? Comment passer le cap intimidant de l’action ? Comment éviter les retours à la situation initiale ? Comment tenir bon sur la durée et finir par transformer la nouveauté en habitude ? Je me propose de vous apporter quelques éléments de réponse dans cet article.

Je vais m’appuyer pour cela sur les travaux de Prochaska & Di Clemente qui ont mis en avant une succession d’étapes par lesquelles nous passerions au cours du processus de changement (modèle transthéorique du changement) :

« Ce n’est que lorsque l’homme est prêt à changer, qu’il peut y avoir une véritable révolution ».

Lors de la première étape appelée « pré-contemplation », la personne n’a pas conscience de l’impact néfaste de la situation dans laquelle elle se trouve. Elle n’a donc aucune intention de changer. Les remarques de l’entourage à ce propos n’ont pas de prise sur elle et peuvent même avoir tendance à renforcer la volonté de la personne intéressée à poursuivre ainsi.

« La porte du changement ne peut s’ouvrir que de l’intérieur ».

Le second stade nommé « contemplation » par les auteurs correspond à la prise de conscience du caractère dommageable de la situation. Elle peut provenir d’un évènement marquant, d’une déception, d’un mal être mais aussi d’un ras-le-bol ou de la sensation de répéter un schéma jugé néfaste. Cette étape est pénible à vivre car elle va soumettre la personne à un conflit interne entre le « pour » et le « contre » qui risque de la tourmenter. C’est l’étape de l’ambivalence et de la dissonance cognitive car « Choisir c’est renoncer ». A ce stade, la personne n’agit pas mais est en proie à une réflexion qui peut être intense si les enjeux du changement sont grands. Au cabinet, je reçois beaucoup de personnes bloquées à ce stade. Mon travail consiste essentiellement à les amener à se questionner sur leurs désirs, leurs émotions, leurs besoins, leurs freins et leurs motivations. On cherche parfois à résoudre l’ambivalence en réalisant une balance décisionnelle telle que celle-ci :

Il est fondamental d’identifier les raisons du maintien dans le comportement initial et les bénéfices secondaires qui en découlent. On pourra enfin procéder à une décentration temporelle : En quoi cela avait une raison d’être dans le passé ? Pourquoi ce n’est plus le cas aujourd’hui ? Il peut enfin être intéressant de se projeter dans un futur où le changement aura opéré. Le travail effectué à ce stade permettra d’augmenter la motivation interne (ou intrinsèque) à changer donc l’autodétermination à le faire.

« Le succès est un voyage pas une destination ».

La troisième étape consiste à préparer la mise en action future. Il s’agit de lister les ressources internes et externes dont on dispose, d’anticiper les obstacles et de se questionner en amont à propos des « pièges » à éviter. Enfin, il s’agira de réfléchir à une stratégie de changement. La fixation d’objectifs est pertinente à ce stade. Mais réfléchir à ces aspects concrets peut être effrayant et entraîner un retour vers le stade antérieur (contemplation).

« La folie c’est de faire tout le temps la même chose et de s’attendre à un résultat différent ».

La quatrième étape est celle de l’action. Le changement devient réel et observable. Autant être honnête, cette phase ne peut se départir de l’inconfort de la nouveauté car elle met à mal les capacités d’adaptation. La volonté de retourner à l’état initial pour y retrouver le confort et/ou la sécurité est fréquente. Elle a tendance à s’exprimer sous la forme d’impulsions qu’il est fondamental de considérer comme telles (soit des moments intenses mais brefs). A ce stade, la personne a besoin d’être encouragée, soutenue et reconnue dans ses efforts.

« Ce n’est pas la force mais la persévérance qui fait les grandes œuvres ».

La cinquième étape est celle du maintien du nouveau comportement. Elle est particulièrement ardue car il s’agit d’installer le changement sur la durée. Elle peut s’accompagner de retours en arrière ou de « rechutes » en raison de fréquents moments de découragement et de baisses ponctuelles de la motivation. La détermination initiale peut s’émousser. Il est alors important de re-questionner la motivation et d’apprendre de ses erreurs en identifiant les « situations pièges » et les vulnérabilités non identifiées. Point important, la « rechute » ne nous ramène pas au point de départ. Les apprentissages effectués durant le parcours ne sont pas perdus.

« Vivre c’est changer. Voilà la leçon que les saisons nous enseignent ».

La dernière étape appelée « dégagement » représente l’aboutissement de toute volonté de changement : faire de la nouveauté une habitude ancrée faisant partie intégrante du fonctionnement, sans effort ni difficulté.

Le changement est donc à la fois naturel, nécessaire et inconfortable. Il représente un facteur d’accomplissement permettant de donner un sens cohérent à sa vie. Ce processus répond à un tempo personnel et demande patience, organisation, confiance et persévérance. Si ces conditions sont remplies et si la personne a bien pensé cette étape de vie, elle ne se laissera pas freiner dans son évolution.

Sport et stress

Le stress n’est pas une émotion. Il s’agit d’une réaction physiologique et automatique à un stimulus qui met le corps en éveil. Quand nous affrontons un ou plusieurs facteurs de stress, notre corps sécrète différentes hormones dans le but d’assurer son autoprotection. Le cortisol permet notamment d’accroître la vigilance quand l’adrénaline prépare le corps à « l’affrontement ». Le stress permet de se mobiliser physiquement en générant de l’énergie. Ce phénomène biologique autrefois essentiel à la survie est un héritage de nos ancêtres.

Le mot « stress » correspond donc à une activation physiologique, originellement non connoté. C’est l’expérience subjective de l’athlète qui lui fait revêtir une tonalité particulière. Selon les personnes, la situation sera évaluée comme débordant ou non les ressources et capacités d’adaptation. Le stress sera perçu de manière négative par l’individu si il existe un « déséquilibre entre les sollicitations de l’environnement et les capacités de l’organisme à y faire face ».

Face à un évènement comportant un enjeu particulier pour l’athlète, le stress pourra donc potentialiser ses capacités ou au contraire avoir un effet délétère sur sa performance.  

Christian Target représente cette idée sur un graphique fort astucieux :

Tout acte peut être situé sur ce graphique. Prenons l’exemple d’un défi sportif tel qu’un marathon. Evaluez ce que représente pour vous cet évènement en termes de demande ou de challenge (ordonnée) ainsi que les ressources dont vous pensez disposer pour l’accomplir (abscisse). Le point de rencontre entre ces deux axes se situera dans une zone particulière riche d’enseignement.

Le stress peut impacter la performance de différentes manière et à différentes échelles de temps lorsque l’athlète performe au-delà de sa zone optimale. Il peut lui faire perdre ses moyens à court terme et l’épuiser à long terme (risque de surentrainement). Néanmoins, performer en dessous de la zone optimale est tout aussi problématique. Le stress de sous-pression correspond à un manque d’implication, d’engagement et donc une sous-utilisation des ressources.

A l’inverse, les zones de maîtrise, de performance et de défi sont propices à l’engagement, au contrôle et à la confiance. Les sportifs auront une préférence pour l’une de ces zones selon leurs personnalités mais aussi le moment et les circonstances.

Chaque athlète doit donc identifier sa zone de performance optimale en évaluant à quel niveau de stress il est le plus efficace. Il devra apprendre à l’utiliser à son avantage et donc à le gérer en se relaxant ou s’activant à l’instant T. C’est un « travail » dans lequel il devra s’investir sur le long terme pour devenir efficace. C’est grâce à l’expérience qu’il trouvera une routine et des techniques de régulation du stress qui lui conviennent afin d’atteindre cette zone optimale avant chaque évènement à enjeu.

Un travail personnel concernant la confiance en soi et les croyances pourra aussi faire évoluer la perception subjective de l’évènement sportif et des ressources personnelles et donc faire évoluer le positionnement sur le graphique (si un athlète gagne confiance en lui il s’y déplacera de manière horizontale par exemple).

Comme expliqué précédemment, la question de la routine sportive est centrale. L’idée étant d’aborder la compétition avec un niveau d’activation optimal et propice à la performance. Le stress qui s’exprime quelques minutes avant une épreuve peut permettre de mobiliser ses ressources énergétiques et mentales. A l’inverse, le stress plus précoce dans la journée peut conduire à un épuisement de l’organisme. La routine devra conduire à une activation progressive dont le point d’orgue correspond au début de la compétition. La régulation du stress repose de manière non exhaustive sur :

  • Les techniques d’activation et de relaxation (notamment méditation et respiration)
  • La visualisation positive
  • Le discours interne et le contrôle des pensées
  • La fixation d’objectif

De manière préventive et à plus long terme, les éléments suivants participeront à la régulation du stress :

  • Le travail, l’engagement et l’investissement à l’entraînement (ou sentiment du devoir accompli !)
  • L’hygiène de vie (notamment le sommeil)
  • L’anticipation et l’organisation de la vie sportive
  • L’environnement, le relationnel, la communication, le soutien émotionnel et l’équilibre de vie
  • Le repérage et la connaissance de ses besoins et de ses limites
  • La confiance en soi

Il existe des paramètres maîtrisables dans la vie sportive et d’autres échappant à notre contrôle. Il s’agit d’être actif sur les premiers et de prendre du recul vis-à-vis des seconds pour réguler le niveau de sa jauge interne de stress. Les stratégies de régulation sont propres à chacun et on juge leur efficacité à l’effet qu’elles produisent. Ces conduites sont à mettre en place sur la durée  et dans un but préventif. Il serait dommageable d’agir uniquement en réaction et de tout abandonner lorsqu’on observe les premiers bénéfices de notre action. On prendrait alors le risque de voir le stress réapparaître. Enfin, ces conduites doivent être flexibles et adaptables aux circonstances et à l’état de forme physique et mentale.

La gestion du stress est donc une habiletés mentales et cognitives fondamentales dans une visée d’optimisation de la performance sportive. De part sa dimension subjective, le stress n’impacte pas tous les athlètes de la même manière. Il incombe à chacun de prendre en charge cet aspect en cas de besoin. Le subir n’est aucunement une fatalité et sa régulation permet de gagner en régularité et reprendre contact avec un autre essentiel: le plaisir!

L’impuissance apprise

Au Nord de l’Inde, lorsqu’un éléphanteau naît, on l’attache par un pied à un arbre. Il tente vainement de briser la corde. Après quelques semaines, il renonce à la lutte et accepte son sort. On continue donc de mettre une entrave à son pied mais on ne la relie à rien. L’éléphanteau a intériorisé le fait qu’il était enchaîné, il n’essaie plus de s’en aller.

Cette métaphore est souvent utilisée pour symboliser le mécanisme sous-tendant le sentiment d’impuissance apprise. Quand un individu subit une succession d’évènements indésirables sur lesquels il n’a pas réussi à avoir de contrôle, il perd confiance en sa capacité à agir favorablement sur son environnement. Le caractère répétitif des évènements fini par le convaincre de son incapacité, il se résigne et n’essaie plus (comme notre petit éléphanteau). Il en découle un fatalisme et une passivité pouvant parfois « contaminer » d’autres domaines. La personne intègre la croyance selon laquelle tout effort est vain et elle entre dans l’apathie, se pensant incapable de modifier le cours des choses.

Au cabinet, je rencontre fréquemment des personnes ayant connu une succession d’échecs sentimentaux et considérant qu’elles sont « maudites en amour » et condamnées à rester seules. Les victimes de relations toxiques intériorisent aussi ce sentiment d’impuissance, d’où leur difficulté à en sortir. Le résultat négatif est anticipé au point de ne plus rien tenter même si l’inaction est mal vécue.

A l’origine de l’impuissance apprise, on retrouve toujours une série de refus, d’obstacles ou d’échecs. C’est la répétition qui vient faire le lit du système de croyance par différents biais cognitif : la permanence (« c’est toujours comme ça »), la généralisation (« c’est la même chose dans tous les domaines ») ou encore la personnalisation (« c’est de ma faute »). Au fil de ces évènements négatifs, la personne effectue ce que l’on appelle en psychologie sociale des attributions causales* en sa défaveur. Elles sont soit externes (le sort d’acharne contre elle, c’est le destin, la malchance, c’est écrit…) soit internes (manque de compétence, de courage, de persévérance…) mais toujours perçues comme incontrôlables. La personne n’a plus la capacité de se questionner objectivement quant à cette série d’évènement et ne prend plus en compte les éléments pouvant contredire la croyance. Elle considère son manque de prise sur la situation et son impuissance à faire évoluer les choses comme une fatalité.

Une fois en place, ce sentiment va avoir des conséquences défavorables sur les sphères émotionnelles, cognitives, et comportementales. Le psychologue comportementaliste Seligman a défini trois conséquences principales :

  • Une difficulté progressive à faire le lien entre les actions posées et leurs conséquences
  • Une baisse de la motivation
  • Une augmentation du sentiment de déprime

De manière générale, le sentiment d’impuissance apprise va engendrer une baisse de la confiance en soi, une attitude pessimiste, une difficulté à résoudre les problèmes, un repli sur soi, une faible satisfaction dans les relations aux autres, une anxiété sociale… ce qui va venir renforcer à son tour le système de croyance. Il sape également la capacité à décider, à mobiliser son potentiel mais aussi la possibilité de remettre en question les faits et leurs causes profondes. Les conséquences du sentiment d’impuissance apprise se traduisent donc en termes de déficit : cognitif, émotionnel et motivationnel.

Cependant, il est possible de sortir de ce sentiment d’impuissance apprise en prenant tout d’abord connaissance de son existence et conscience des schémas mentaux en place. Il convient ensuite d’identifier ses atouts et ses points faibles. Bien se connaître permet d’analyser objectivement ses réussites et ses échecs et d’effectuer des attributions causales pertinentes et sources d’apprentissage. Si ça n’a pas marché, pourquoi ? Pourquoi les choses se sont reproduites ? Avais-je pris le temps d’effectuer ce travail d’analyse lors du premier échec ? Comment obtenir un résultat différent ? Quelles sont les ressources que je peux mettre en œuvre dans l’atteinte de cet objectif ? Quels sont les domaines dans lesquels je dois évoluer, apprendre, faire différemment ? Sur quels paramètres puis-je agir ? Quels sont ceux que je ne peux contrôler ? Il s’agit alors d’apprendre à apprendre. La meilleure façon de lutter contre l’impuissance apprise est de voir la situation indésirable comme quelque chose de temporaire, localisé et contrôlable plutôt que comme un problème permanent, global et incontrôlable.

Il est également nécessaire de dédramatiser l’échec et d’opter pour un style cognitif optimiste et actif. La considération du positif au même niveau que le négatif peut être une aide dans ce sens car elle permet de prendre conscience des efforts que l’on déploie, de renforcer le sentiment d’efficacité personnelle et de nourrir une dynamique favorable plutôt qu’un cercle vicieux.  

Enfin, l’impuissance apprise est un sentiment qui permet parfois de se dégager de toute responsabilité et d’éviter toute prise de risque. Lutter contre l’idée de la fatalité n’est pas chose facile car cela implique que nous avons un rôle à jouer dans la situation. Il est donc nécessaire d’accepter de se confronter à l’action, aux décisions, aux responsabilités, parfois aux erreurs et déconvenues qui incombent à l’inversion de cette tendance.

Le sentiment d’impuissance apprise constitue donc une croyance limitante dont les conséquences peuvent être nombreuses et délétères. Avec le temps, elles ont tendance à se renforcer en raison de la baisse de confiance en soi, de la culpabilité liée à la passivité et du sentiment d’insatisfaction qui en découle. La connaissance de ce phénomène et l’analyse de ce schéma de pensées constituent un premier pas nécessaire vers la déconstruction de la croyance. Il permettra de se focaliser sur les éléments contrôlables et de restaurer la confiance en à sa capacité à agir sur les évènements.

* Il s’agit d’inférences par lesquelles l’individu explique les évènements et les comportements.

Les vertus de l’échec

Se tromper, échouer, rater sont des verbes qui suscitent de la peur chez beaucoup d’entre nous. L’échec vient marquer un coup d’arrêt dans le parcours idéal que nous nous étions imaginé. Il blesse aussi notre ego et nous questionne à propos du regard d’autrui sur nous, nos probables incompétences et limites… C’est particulièrement le cas dans une société comme la nôtre, où nous avons été notés, classés, évalués depuis notre plus tendre enfance créant parfois un sentiment d’impuissance apprise*. La peur de l’échec (ou kakorrhaphiophobie !) est un sentiment ressenti par un grand nombre de personnes pouvant impacter l’évolution personnelle, la santé mentale ou encore la confiance en soi.

Lorsque la peur prend le pas sur l’envie, une dynamique délétère faite de frustration, de culpabilité et d’auto-reproches peut s’installer et fragiliser l’estime de soi. Comme la valeur que nous nous accordons en pâtit, avec le temps, elle fera le lit de nouvelles craintes et de doutes quand à notre capacité à réussir et/ou à supporter l’échec. C’est toute la confiance en soi qui finit par être altérée.  

Cependant, il est parfaitement normal d’être inquiet à l’idée d’échouer. Notre cerveau est fondamentalement constitué de manière à se prémunir des risques et à sur-analyser le négatif. L’échec fait donc peur et mal. L’intégrer prend du temps et laisse parfois des traces, c’est pourquoi nous pourrions avoir une tendance naturelle à éviter de nous y confronter autant que possible (d’où la procrastination, l’auto-sabotage…). Pourtant, si l’on effectue un rapide retour sur notre histoire personnelle, nous trouverons certainement plusieurs échecs retentissants. Il serait illusoire d’imaginer une vie sans obstacles. A l’ère des réseaux sociaux, où chaque réussite est mise en lumière, nous pourrions avoir tendance à oublier un fait incontestable bien qu’élémentaire : l’échec fait partie de la vie. Cette affirmation amorce un travail de dédramatisation et d’acceptation, qui constitue un moyen de lutter contre la peur qu’il représente. Elle permet en outre de sortir d’un rapport fantasmé à la réalité et à soi, où la perfection et la réussite seraient des normes, où nos vies seraient toutes tracées et sans embûche. Il est important de sortir de cette illusion et d’accepter que l’on ne puisse pas toujours décider de la tournure que prendront les choses. Cependant, nous pouvons décider comment percevoir la situation d’échec :

  • Avant de se lancer, il est important de se demander si le timing est bon, de se questionner à propos des circonstances dans lesquelles on aborde le projet et de le planifier scrupuleusement. 
  • Il me semble également nécessaire de questionner le réalisme du dit projet. Une analyse aussi objective que possible de la situation est primordiale.
  • Le caractère progressif des défis que l’on se lance est un autre point important car le cheminement permettra d’engranger de la confiance, d’augmenter son sentiment d’efficacité personnelle et d’apprendre au fil du parcours quand un défi trop ambitieux en première intention pourrait s’avérer trop risqué.
  • Il est également essentiel d’envisager l’échec quand on débute un projet. Ce n’est pas un exercice agréable et facile car cela peut réveiller des peurs mais il est important d’affronter cette potentielle issue défavorable, de se préparer à sa survenue  et de réfléchir à d’autres options. Il est rassurant d’anticiper la manière dont on rebondira si les choses ne se passent pas comme prévu.
  • Il me semble important de se demander si la peur de l’échec vaut l’inconfort et les regrets qu’entraînent la stagnation ou l’immobilisme subis.
  • Par ailleurs, la peur de l’échec est parfois plus forte que la réelle douleur engendrée par celui-ci. Un point important à noter est que ce ressenti est temporaire. Quand vous avez repensé à vos échecs passés, avez-vous remarqué qu’ils vous faisaient moins mal ? Certains ne sont-ils pas devenus indolores avec le temps ? Comme toute perte, notre psychisme possède la capacité de les surmonter.
  • Il est primordial de savoir noter ses succès aussi fortement que l’on noterait ses échecs, même les plus petits au fil de son parcours.
  • Rater quelque chose ne signifie pas « être un raté ». On a tendance à imputer le résultat uniquement à des causes internes, à confondre échec et incompétence. Or, nous ne sommes pas nos échecs. Des leçons seront certainement tirées de la situation mais la conclusion n’est certainement pas que l’on ne vaut rien.

Ce listing non exhaustif concerne finalement l’état d’esprit dans lequel on aborde un projet. L’idée est d’y être attentif car il revêt une grande importance ! Par ailleurs, ces réflexions motivent et permettent de neutraliser certains aspects de la peur de l’échec. Il est bon de se les rappeler en cas de doutes.

La peur de l’échec semble finalement étroitement liée à la douleur ressentie et à la remise en question qui l’accompagnent. Nous avons tendance à nous focaliser sur cette sensibilité passagère, cette blessure faite de ruminations et de questions douloureuses. Pourtant, elle favorise inévitablement la remise en question. L’échec est un formidable moyen pour apprendre, y compris sur soi. Seule la situation d’échec peut révéler la plupart de ces enseignements si l’on prend le temps d’en faire une analyse. J’irais même plus loin, certains échecs sonnent rétrospectivement comme des victoires. Quand je demande aux gens d’évoquer leurs échecs, tous mentionnent très rapidement les leçons tirées de ces évènements et les perçoivent avant tout comme des expériences de vie. Je leur demande alors « et si c’était à refaire ? ». Peu me répondent qu’ils feraient différemment. Revenir sur ses échecs permet aussi de s’apercevoir qu’ils nous ont apporté, appris sur nous et sur les autres. Se priver d’échec, serait peut être se priver de la leçon, et donc de la méthode pour réussir !

L’échec possède donc des vertus que la réussite ne permet pas. C’est au sein du parcours et non du résultat que résident celles-ci. Expérimenter l’échec c’est aussi expérimenter sa capacité à rebondir, l’éprouver pour dépasser ses peurs et donc gagner en confiance, en liberté et en audace.

« Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends », Mandela.

 « Le succès, c’est l’échec de l’échec », Delphine Lamotte.

« Il est certaines blessures au goût de victoire », Jean-Jacques Goldman.

 «  Ce qui ne marche pas n’est qu’une étape, un brouillon de la réussite »

« J’ai raté 9000 tirs dans ma carrière. J’ai perdu presque 300 matchs. 26 fois, on m’a fait confiance pour prendre le tir de la victoire et j’ai raté. J’ai échoué encore et encore et encore dans ma vie. Et c’est pourquoi je réussis », Michael Jordan.

* Sentiment d’impuissance apprise : il s’agit de la perte de confiance en ses capacités à réussir suite à des échecs répétés ou à une absence de retour sur investissement.

La rumination mentale

L’être humain ne peut s’empêcher de penser. Quand nous traversons un épisode de vie négatif, cette réflexion peut prendre une forme inconfortable occupant notre esprit. Souci, inquiétude, préoccupation, cet état permet de trouver des solutions, de donner du sens aux évènements difficiles que nous rencontrons mais aussi d’accepter une situation nouvelle. Il est qualifié de « normal » quand il est transitoire et qu’il existe un état d’équilibre entre réflexion et action. Cependant, il arrive que ce processus devienne dysfonctionnel et entraîne un flot de pensées incessantes et incontrôlables appelé « rumination mentale ».

La spécialiste mondiale de ce phénomène, Susan Nolen-Hoesksema le définit comme « la propension à ressasser en boucle, de façon obsessionnelle, un certain nombre de pensées ou de sentiments négatifs ». Ce flot de pensées échappe à notre contrôle et s’avère épuisant mentalement. Il est important de préciser qu’une notion de passivité s’y rattache. En effet, ces pensées étant trop envahissantes et occupant tout l’espace mental, elles ne génèrent ni mise en action, ni résolution de problème. La personne ne parvient plus à s’inscrire dans une réalité sur laquelle elle s’imagine n’avoir aucune prise et n’entrevoit plus les solutions. Ces pensées incessantes épuisent l’appareil mental qui s’affaiblit, générant de nouvelles difficultés perçues comme difficilement surmontables.

Le terme « overthinking » est également employé pour qualifier ce phénomène. Littéralement, cela signifie « penser trop ». Il ne s’agit donc pas de doutes, de regrets, d’inquiétude mais bien de pensées chaotiques, pénibles, en spirale que la personne ne peut neutraliser.

Les ruminations mentales se caractérisent par :

  • Une perte de contrôle sur ses pensées
  • Une impossibilité à mettre son cerveau sur « off »
  • Une grande fatigue mentale
  • Une incapacité à trouver des solutions
  • Une perte de motivation
  • Des surinterprétations (réaction émotionnelle et comportementale forte voire excessive)
  • Une difficulté à accepter les choses telles qu’elles sont et donc un retour incessant vers le passé
  • Des reproches contre soi ou contre les autres
  • Une sensation d’être dans l’impasse
  • Des projections catastrophiques dans l’avenir
  • Des difficultés de concentration

Lorsque l’on s’intéresse aux causes des ruminations mentales, on s’aperçoit qu’elles sont multiples. Elles partent toujours d’un évènement négatif ou d’une somme de difficultés qui submergent la personne. Notre cerveau va chercher à les assimiler, les comprendre et à en tirer des enseignements. Ce mécanisme est originellement lié à notre survie. Nous tentons d’apprendre de nos erreurs et difficultés pour qu’elles ne se reproduisent pas. Quand l’évènement est dépassé, nous avons la capacité d’y repenser avec une certaine distance. Cependant, dans le cas de la rumination mentale, ce processus s’enraye et cette distance émotionnelle n’est plus possible. Une étude australienne a même prouvé que l’overthinking réactualisait l’évènement donc réduisait aussi la « distance temporelle », le rendant très actuel.

D’autres recherches ont montré qu’un dysfonctionnement du cortex préfrontal pouvait être à l’origine des ruminations mentales car il engendrerait une mauvaise régulation des émotions pouvant se traduire par ces pensées obsédantes. Deux autres parties du cerveau pourraient aussi être impliquées : l’amygdale et l’hippocampe, qui constituent les sièges de l’apprentissage et de la mémoire émotionnelle. Tout le monde peut être touché par la rumination mentale mais les personnes anxieuses, hypersensibles et dépressives en sont plus souvent victime.

Par ailleurs, nos réseaux de pensées sont liés à nos humeurs et nos émotions. Les ruminations mentales créent de nouvelles émotions sur lesquelles la personne se focalise, l’entrainant dans un cercle vicieux.

Le traumatisme est une cause particulière de rumination mentale car il constitue une rupture brutale dans le cours normal de l’existence. La personne va tenter d’incorporer une nouvelle information « impensable » dans ses schémas mentaux pré-existants. Tant que l’assimilation n’est pas effectuée, les ruminations mentales perdurent. Le processus serait le même lorsque la cause n’est pas traumatique mais l’intensité serait un peu moindre.

Enfin, l’apport de la psychologue Ronnie Janoff-Bulman en la matière est fort intéressant. Elle explique que l’évènement négatif vient bousculer nos croyances fondamentales : le monde et les gens ne sont pas toujours bienveillants ou justes. Ils ne fonctionnent pas toujours de manière cohérente et l’on n’obtient pas toujours ce que l’on estime mériter. Ces bouleversements heurtent ses valeurs si fondamentalement que la personne va vivre une période de résistance plus ou moins longue avant de les intégrer et de les accepter.

Les conséquences à long terme de ces pensées incessantes peuvent être nombreuses. Hormis son caractère très inconfortable et épuisant, ce phénomène génère de nouvelles émotions pénibles. Il prive la personne de son énergie habituelle et de sa motivation à agir. Sur le long terme, son humeur peut être altérée, ce qui peut engendrer une dépression. Quand l’état dépressif est déjà présent et que la rumination mentale est l’un de ses symptômes, elle a tendance à être un facteur de maintien du trouble. Elle entraîne aussi parfois l’apparition de crises d’angoisse ou d’idéations suicidaires en raison de l’impasse qu’elle constitue. Les personnes peuvent se tourner vers des comportements qui soulagent à court terme car ils anesthésient pour un temps les pensées : addictions, troubles alimentaires… Cependant, ces conduites provoquent de la culpabilité et un regain de pensées négatives qui majorent ce phénomène, donc une auto-aggravation. Enfin, les ruminations mentales altèrent le lien à l’autre en raison de l’isolement qu’il provoque mais aussi de l’attitude d’autrui face à son caractère répétitif et parfois irrationnel. Toutes les conséquences mentionnées dressent un tableau qui confirme que ce trouble ne doit pas être pris à la légère.

Des nombreuses solutions existent mais sortir de l’état de rumination mentale n’est pas chose aisée et prend du temps. Il s’agit de briser la spirale négative en sortant de la passivité et en dirigeant son énergie vers quelque chose de sain. Des études montrent que la distraction, l’activité physique, les arts créatifs ou le temps pour soi peuvent permettre d’évacuer les tensions en focalisant son attention sur un élément externe. La méditation notamment l’ancrage semble également être un bon moyen de parer à ces pensées en boucle. L’idée est de revenir à l’instant présent, de s’ancrer dans l’ici et maintenant.

Sur le plan intellectuel, on peut ménager du temps spécialement dédié à l’overthinking. Réprimer ces pensées n’est pas favorable car elles auront tendance à revenir de manière plus importante après coup (effet rebond). Il est aussi important de prendre du recul sur ces pensées. En adoptant une attitude plus distante vis-à-vis de nos ruminations, nous leur enlevons le pouvoir de conditionner nos émotions et donc notre humeur. Quelles sont les problématiques prioritaires et qui méritent notre attention ? Quelles sont celles qui sont irrationnelles, mineures ou encore sur lesquelles nous n’avons pas de prise. Sont-elles le fruit de la pression sociale, des injonctions sociétales, de phénomènes de comparaison ? Se reconnecter à son Moi profond, à ses besoins et à ses valeurs semble essentiel. Le cas échéant, partir à la découverte de soi l’est également. L’écriture peut constituer une aide bienfaitrice car elle permet de faire le tri dans ses pensées et de reprendre le contrôle. Il est aussi important de contrebalancer les pensées négatives par des pensées positives qui rétablissent un équilibre plus objectif.

Quoi qu’il en soit, il convient d’être à l’écoute de ce signal de notre mental. Il semble important de se poser deux types de questions quand il fait son apparition : pourquoi et comment. Le pourquoi est abstrait et alors que le comment est concret. Il est important de retrouver un équilibre entre ces deux modes de pensée quand la rumination mentale penche nettement en faveur du mode abstrait, emprisonnant la personne dans un cycle dont elle peine à trouver la sortie. Le pourquoi fait appel aux causes profondes qui peuvent être explorées avec l’aide d’un professionnel (ex : gestion émotionnelle, confiance en soi, traumatisme…). Le comment est le temps de l’action absolument fondamental pour sortir de l’état de rumination mentale. Face à une situation difficile, nous n’avons que deux possibilités : accepter et/ou agir. L’idée est donc de favoriser ces processus et de réinstaurer un mouvement de vie.

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