La manipulation mentale

La question de la manipulation mentale est de plus en plus abordée dans les médias permettant au grand public de se familiariser avec cette notion, ce qui me semble salutaire. Il est important d’en connaître les rouages afin de repérer les signes d’une situation de manipulation pour éventuellement les déjouer voire fuir la relation si elle s’avère néfaste. Cependant, le terme de « pervers narcissique » est fréquemment utilisé à mauvais escient. Il m’a donc semblé important de faire un retour sur cet ensemble de notions afin de les clarifier autant que possible.

Tout d’abord, la manipulation est l’attitude délibérée d’une personne qui cherche à contrôler ou influencer la pensée et les comportements d’une autre à ses dépens. Il s’agit donc de manipuler sa conscience dans le sens où elle adoptera un comportement souhaité par un tiers en ayant la sensation d’agir par elle-même. La personne qui manipule agit ainsi pour servir ses intérêts avant tout, ce qui va à l’encontre d’une relation saine et respectueuse.

Il existe de multiples techniques de manipulation. J’ai souhaité en lister quelques unes :

  • Le gaslighting consiste à faire douter l’autre à propos de sa santé mentale.
  • La communication floue ou paradoxale consiste à manquer volontairement de précision dans ses prises de parole afin de tourner les choses en sa faveur le moment venu.
  • Le chantage et la menace jouent sur la peur et l’empathie de l’autre. La personne menace de se faire du mal ou de punir si elle n’obtient pas ce qu’elle souhaite.
  • La victimisation et la culpabilisation consistent à inverser une situation pour imputer la faute à la « vraie » victime et donc reporter la responsabilité sur elle. 
  • L’humiliation est l’atteinte de l’autre dans sa dignité afin d’endommager son amour propre pour l’affaiblir psychologiquement.
  • La triangulation consiste à faire intervenir l’opinion réelle ou supposée des autres (amis, famille…) pour soutenir son propos (ex : tout le monde pense que …).

Comme souvent en psychologie, c’est l’intensité, la durée et les répercussions de  ce type de comportements qui font la pathologie. Nous avons tous déjà manipulé une autre personne dans notre vie. La séduction, le chantage, la victimisation… sont des techniques de manipulation courantes. Notons que certaines périodes de vulnérabilité peuvent entraîner une sur-utilisation des comportements manipulatoires (ex : ruptures sentimentales). Cependant un manipulateur n’est pas toujours un pervers narcissique (mais un pervers narcissique est toujours manipulateur !) quand la manipulation est employée ponctuellement ou de manière circonstancielle. C’est l’utilisation répétée de ce mode relationnel et surtout le but de la manipulation qui doivent être questionnés.

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On distingue traditionnellement deux types de manipulateurs pathologiques que l’on nomme personnalités narcissiques en psychologie : le manipulateur égocentrique et le pervers narcissique. Le premier va manipuler autrui car il place ses intérêts avant ceux des autres quand le second le fera dans une véritable volonté de destruction. Il s’agit ici de modes de conduites durables, envahissants et rigides.

Le manipulateur égocentrique est séducteur et confiant. Il présente une faille narcissique dont l’origine est souvent précoce entraînant une recherche constante d’admiration et de reconnaissance. Admiré par le plus grand nombre, il possède un double visage car il utilise le mensonge, la culpabilisation, il déforme la réalité et il est bien souvent passif agressif dans l’intimité. L’humour et le sarcasme sont ses meilleures armes. «  C’était une blague ». Oui, mais elle cachait un reproche ou une parole blessante. Ces personnes sont dépendantes du regard d’autrui. Sans lui, elles n’existent pas. Leurs intérêts propres passant avant tout, certains auteurs estiment qu’ « elles ne savent pas aimer ». Je nuancerai ce propos en précisant que la relation est sans cesse parasitée par ces dynamiques de domination et de dépendance. Leurs partenaires souffrent de leur attitude à l’allure égoïste mais aussi d’une relation majoritairement unilatérale.

Le pervers narcissique fait quant à lui référence à une personnalité manipulatrice dans sa forme la plus sévère. On parle de vampirisation du territoire psychique de l’autre dans le sens où le PN va nourrir son narcissisme avec celui de sa victime. Il existe en anéantissant l’autre. Sans cela, il ressentirait une forme de vide en lui (trouble narcissique). Dans un premier temps, il va générer un attachement puissant chez l’autre grâce à sa remarquable capacité à proposer une attitude qui colle à tous ses besoins/rêves. Que ce soit sur le plan professionnel ou sentimental, un tableau idyllique est dressé. Le PN pose ainsi les jalons de son emprise destructrice. Il va instaurer un climat de terreur et de doute grâce à la manipulation. Cependant, le masque ne tombe que progressivement et de manière insidieuse. Il va percevoir intuitivement les blessures et failles de l’autre et va les utiliser pour le déstabiliser. Il va aussi utiliser les valeurs humaines de sa victime telle que son empathie. Ses armes sont la victimisation, l’exploitation émotionnelle, l’omniprésence, l’isolement, la culpabilisation mais aussi l’humiliation et la peur. Il va réussir à réduire à néant tous les moyens de défense et les forces vives dont dispose l’autre au fil du temps, allant même jusqu’à le faire douter de ce qu’il est et de sa santé mentale. Il s’agit d’un véritable assujettissement. Émotionnellement froids, mégalomaniaques et incapables de remettre en question leur fonctionnement, il est recommandé de prendre ses distances avec les pervers narcissiques et de stopper toute communication. Toutes volontés de changement, toutes tentatives d’échanges sur le sujet, toutes réactions émotionnelles seront vaines ou utilisées contre vous.

On retrouve fréquemment « le cycle de la violence » dans les relations toxiques.

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Vous aurez compris que le terme de pervers narcissique a tendance à être employé abusivement dans les médias. Il ne peut être utilisé dès lors qu’il y a manipulation, les signes étant en réalité intenses et durables. Cependant, il me semble important que ce sujet soit abordé afin de se prémunir du risque d’entrer dans une relation toxique dont les conséquences seraient extrêmement dommageables.      

L’hypersensibilité

L’hypersensibilité n’est pas une pathologie mais une caractéristique individuelle d’origine génétique. Elle serait donc « innée » dans la plupart des cas. Néanmoins, certains évènements de la vie peuvent la révéler ou la majorer, notamment les dysfonctionnements des interactions précoces. Une récente étude a mis en évidence le rôle des neurones miroirs dans ce phénomène. Ceux-ci sont primordiaux pour nos interactions sociales car ils nous permettent, entre autre, de reconnaître les émotions d’autrui. Ils ne seraient pas plus nombreux chez les hypersensibles mais plus actifs, que ce soit face à un proche ou un inconnu.

La psychologue américaine Elaine Aron fait référence lorsque l’on évoque l’hypersensibilité. Elle a étudié ce trait de caractère dans les années 90. Elle le définit comme une sensibilité plus haute que la moyenne aux stimuli internes et environnementaux.

Véritables « éponges à émotions », les hypersensibles ressentent intensément ce qu’ils vivent et perçoivent mais aussi ce que les autres éprouvent par empathie. Ils sont aussi sensibles à « l’ambiance » du groupe. Leurs émotions ne se caractérisent pas uniquement par leur intensité mais également par leur variabilité. Les changements d’humeur sont fréquents chez les hypersensibles. Ils peuvent même être jugés comme des personnes excessives ou susceptibles. Cela traduit en réalité leur vie émotionnelle si riche, leurs questionnements si nombreux et leurs réflexions si intenses. La dernière spécificité émotionnelle est une difficulté à traiter, à élaborer ou plus vulgairement à « digérer » les évènements vécus. Les hypersensibles ressassent beaucoup. Leurs blessures psychologiques mettent plus de temps à cicatriser…

Par ailleurs, le tableau clinique comprend souvent une hyperesthésie ou hypersensibilité sensorielle portant sur un ou plusieurs sens. La sensibilité aux bruits est fréquemment évoquée. On retrouve également un sens aigu du détail (hyperacuité visuelle).

Sur le plan cognitif, ces personnes vont souvent être en proie à des ruminations mentales. Percevant plus et ressentant plus, elles « cogitent » naturellement plus. Elles ont beaucoup de mal à mettre leurs cerveaux sur pause. Elles vont enfin présenter des difficultés dans la prise de décisions. Ces doutes sont liés à la prise en compte d’une multitude de facteurs auxquels une personne non-hypersensible n’accordera pas autant de valeur.

De part ces spécificités, la personne hypersensible vit plus intensément les sentiments négatifs. Elle va donc être vulnérable à certaines psychopathologies telles que les troubles anxieux et la dépression. Elle va connaître des moments de fatigue physique et mentale dus aux surstimulations. Sensible à la critique et au regard d’autrui, il n’est pas rare que sa confiance en elle soit assez faible. En groupe, elle peut ressentir un malaise, un décalage, une peur considérable d’être jugée, on encore une forme de timidité ou de réserve.

Le monde du travail peut être particulièrement rude pour les hypersensibles. Ils sont plus sensibles au burn out pour différentes raisons. Ils peuvent être mal compris et donc catalogués ou caricaturés. Ils peuvent avoir du mal à supporter la compétition ou les contextes de pression. Leur sensibilité peut les empêcher de défendre leurs droits efficacement. Ils peuvent aussi souffrir du syndrome de l’imposteur. Les forces de la personne hypersensible s’épuiseront vite dans un environnement malsain. Elle aura de grandes difficultés à résister aux différents facteurs de stress.

Pourtant, ces personnes possèdent des qualités rares et précieuses. Intuitifs, bienveillants, perfectionnistes, rigoureux et créatifs, les hypersensibles sont également de merveilleux amis de part leur empathie et leur humanité. Ce sont des personnes de conviction, possédant des valeurs fortes. Elles présentent des compétences indéniables dans le domaine des relations humaines en raison de leur observation fine ainsi qu’une imagination fertile. Leur regard sur le monde est d’une richesse incomparable.

Cependant, l’hypersensibilité est un trait de caractère qui peut constituer un véritable handicap pour la personne qui en subit les conséquences par méconnaissance de ses spécificités. Il est nécessaire de bien se connaître tant psychologiquement que « physiquement ». La question du repos, du calme et de l’isolement ponctuels est fondamentale ainsi que la présence d’un entourage tolérant et bienveillant. Un environnement qui leur correspond et dans lequel elles se sentent bien fonctionne comme un véritable catalyseur de compétences. Elles pourront s’y révéler et vivre aussi sereinement que possible.  

La théorie de l’attachement

A partir des années 1930, on a commencé à étudier l’impact des carences affectives sur l’enfant. Plusieurs études portant sur le développement d’enfants placés en pouponnières et institutions ont alors été effectuées. On s’est aperçu qu’un enfant privé de soins et d’affection maternelle* pouvait être affecté sur le plan intellectuel, moteur, psychologique et/ou social plus ou moins gravement et durablement. En s’intéressant à la rupture d’un lien affectif privilégié et ses conséquences, on a fatalement étudié les conditions de son établissement (qu’elles soient bonnes ou mauvaises). Le psychiatre John Bowlby et sa « théorie de l’attachement » ont apporté des éléments de réponses qui font encore aujourd’hui référence.

Pour lui, l’attachement est un lien privilégié qui s’établit entre un bébé et la personne qui s’occupe le plus souvent de lui. Au fil du temps, elle va acquérir le « pouvoir » de le réconforter en cas de détresse ou d’inconfort. Ce lien spécial est créé par la constance, la cohérence et la continuité des soins prodigués. Il est indépendant du sexe et du lien du sang. Si un adulte est présent de manière continue et durable, qu’il est sensible à ses besoins et en interaction, l’enfant s’attachera à lui. La mère biologique tient habituellement ce rôle en raison notamment du congé maternité mais ce rôle peut être tenu par toute personne qui remplit les conditions mentionnées précédemment. Je précise que je ne suis pas en train de parler d’amour mais bien de la capacité que possède un adulte précis de rassurer l’enfant en cas de « danger ».

Cet attachement est inné et universel. On le retrouve dans toutes les cultures même si il peut prendre des formes différentes. Selon Bowlby, il est inscrit dans notre patrimoine génétique car il assure un rôle de survie de l’espèce.  

Le bébé est « actif » dans ce processus. Il va disposer d’une palette de conduites qui vont favoriser la proximité de sa figure d’attachement : les cris, le sourire, les pleurs, la succion. Avec ceux-ci, il va pouvoir vérifier sa disponibilité. Elle va lui conférer une sécurité interne lui permettant d’explorer son environnement le plus sereinement possible. De manière caricaturale, « quelqu’un me protège, alors je peux expérimenter ». Paradoxalement, l’attachement est un facteur d’autonomie.

Ce lien unique se construit progressivement. Dans les deux premiers mois de sa vie, l’enfant n’a pas les capacités cognitives et sensorielles pour s’attacher à une personne en particulier. Le donneur de soin peut être interchangeable. Le bébé dirige ses conduites d’attachement vers tout le monde. De deux à six mois, l’enfant distingue de mieux en mieux les personnes qui lui sont familières. Le temps fait son œuvre et il intègre peu à peu des routines, des voix, des odeurs, des manières d’être porté, soigné (au sens premier du terme)… comme étant connus et les associe à l’apaisement et au réconfort. Dans cette deuxième étape, deux nouvelles conduites d’attachement apparaissent : l’orientation visuelle et l’agrippement « volontaire ». Lorsque la séparation avec la figure d’attachement principale bouleverse l’enfant, on considère que le lien est établi. C’est aussi vers elle qu’il se tournera spontanément en cas de douleur ou de peur. Peu à peu, il va intégrer d’autres figures d’attachement.

Le lien d’attachement donne à l’enfant un sentiment de sécurité lui permettant de se développer harmonieusement, d’explorer et donc d’apprendre. Il est empreint de communication et d’interactions polysensorielles. Le ou les parents répondent adéquatement aux sollicitations de l’enfant et il a « confiance » en eux. C’est ce que l’on appelle un attachement sécure.

Cependant, si l’investissement du parent est inadapté ou manque de cohérence, l’enfant va devoir mettre en place des stratégies d’adaptation pour pallier à cette inconstance. C’est ce que l’on appelle un attachement insécure.

A la suite de Bowlby, la psychologue Mary Ainsworth a montré qu’il existait des profils d’attachement spécifiques. Elle a utilisé pour cela un protocole expérimental nommé « situation étrange ». Dans une pièce contenant des jouets, elle a étudié les réactions d’un enfant alors qu’il se trouve en présence de sa mère. Une personne étrangère entre alors et la mère sort de la pièce. Au bout de quelques minutes, la mère entre de nouveau et la personne inconnue ressort. Ce protocole a été reproduit des centaines et des centaines de fois. Ainsworth a pu mettre en valeurs trois profils d’attachement chez des enfants âgés de 12 à 18 mois.

L’attachement sécure correspond à un enfant qui joue en présence de son parent. Son départ provoque une réaction de tristesse et de peur modérée, rapidement calmée au retour du parent. L’enfant retourne jouer une fois rassuré.

L’attachement anxieux évitant correspond à un enfant qui ne manifeste pas beaucoup d’émotion au départ du parent et qui l’évite à son retour. Il joue avant, pendant et après les déplacements des adultes. Il semble indifférent. Ainsworth émet l’hypothèse d’une relation dans laquelle l’indépendance de l’enfant est recherchée par le parent. L’enfant n’est pas encouragé à exprimer ses émotions et on ne l’aide pas à les traiter.

L’attachement anxieux contrarié correspond à un enfant qui présente une réaction très forte d’inquiétude au départ de son parent. L’angoisse se transforme en colère quand il revient. Cependant, l’enfant demeure proche physiquement de lui. Il semble douter de lui et se « colle » pour éviter qu’il ne reparte. Qu’il soit présent ou pas, il ne joue pas ou peu, comme s’il n’osait pas. On émet l’hypothèse d’une relation dans laquelle la figure d’attachement impose plus qu’elle ne s’adapte à l’enfant. Il peut également y avoir une forme d’inconstance dans l’investissement affectif.  

Ce célèbre protocole expérimental a été reproduit en faisant varier différents paramètres (ex: avec le père et non la mère). On a également procédé à des études longitudinales permettant de suivre les enfants sur le long terme. On a ainsi pu mettre en lumière la relative stabilité des profils d’attachement dans le temps. Il existe aussi des parallèles intéressants avec l’attachement à l’âge adulte. Cette théorie a connu des implications concrètes puisqu’elle a apporté une base théorique sur laquelle s’appuyer dans les domaines de la santé (ex: présence d’un parent lors d’une hospitalisation de l’enfant), de la protection de l’enfance, de l’adoption…

* En psychologie, on utilise le mot « mère » comme une représentation symbolique de ce rôle plus que comme un sexe. C’est aussi plus commode dans l’expression d’une idée mais une « mère » peut être un homme!

La confiance en soi

Durant mes années d’étude, la notion de confiance en soi n’a jamais été abordée. On m’a parfois présenté le manque d’estime de soi comme un symptôme de la dépression mais on ne m’a jamais expliqué comment il naissait, pourquoi il perdurait et comment inverser cette tendance. Pourtant, il ne se passe pas un jour sans qu’un patient n’évoque un manque de confiance en lui ponctuel ou chronique, ayant une incidence négative sur son bien être et son évolution. Je me suis donc renseignée sur ce thème particulier, empruntant des idées à des domaines variés tels que la psychologie cognitive, la psychologie du développement mais aussi la psychanalyse, le développement personnel et l’éducation.

Le manque de confiance en soi est un symptôme qui me désarme particulièrement en tant que thérapeute car l’aide que je peux apporter reste honnêtement assez limitée. Nous pouvons en comprendre l’origine et l’impact, je peux expliquer comment l’améliorer mais le seul levier est un travail individuel actif et régulier de la part de la personne.

Certains courants distinguent confiance en soi (évaluation que nous faisons de nos compétences et ressources personnelles) et estime de soi (valeur que nous nous accordons). La différence est ténue car il me semble que la valeur que nous nous accordons est étroitement liée aux compétences que nous pensons posséder et inversement. Dans un souci de clarté, j’emploierai le terme de « confiance en soi » dans cet article comme une impression générale d’harmonie et de sécurité permettant de s’engager efficacement dans l’action, de prendre des décisions et de se penser capable de surmonter les difficultés.

Il faut tout d’abord savoir que le manque de confiance en soi s’explique par différents facteurs et évolue tout au long de la vie. Le premier est biologique donc inné. Il existerait des traits de personnalité favorisant ou au contraire minorant la confiance en soi. D’autre part, l’éducation joue un rôle important dans son établissement. Des parents qui dévaloriseraient leur enfant, le compareraient systématiquement à d’autres ou ne lui témoigneraient pas suffisamment d’amour pourraient interférer significativement dans la constitution de son narcissisme (ou amour de soi en psychanalyse). Des études montrent également que les parents qui n’ont pas confiance en eux ont tendance à transmettre cette difficulté. N’ayant pas les clés pour s’estimer, ils ne peuvent les partager à leur enfant. Enfin, les expériences de vie telles que le harcèlement scolaire, les échecs, les difficultés relationnelles ou professionnelles… vont impacter négativement la confiance que la personne a en elle. Certains individus cumulent ces trois types de facteurs, rendant le travail de restauration de la confiance encore plus complexe. De plus, ce phénomène a tendance à s’auto-entretenir au fil du temps et peut faire entrer la personne dans une véritable spirale négative.

Pour faire progresser sa confiance en soi, il faut agir durablement sur trois pôles : le pôle cognitif, le pôle identitaire et le pôle comportemental.

Sur le plan cognitif (pensées et réflexions), il est important de repérer les pensées automatiques à propos de soi et du monde. Elles ont tendance à être négatives chez les personnes manquant de confiance en elles. Ces dernières vont s’auto juger très sévèrement et ne pas reconnaître leurs réussites autant qu’elles vont analyser leurs échecs. Elles vont être plus facilement conciliantes avec autrui qu’avec elles-mêmes. Elles vont enfin user du phénomène de projection qui consiste à attribuer à autrui un sentiment éprouvé par soi-même. Il s’agit par exemple d’imaginer qu’une assemblée nous trouve maladroit socialement parce qu’on se juge soi-même ainsi. La projection va rendre extrêmement sensible au regard d’autrui. C’est une croyance que j’aborde souvent avec mes patients. La plupart du temps, les autres n’ont pas d’avis sur nous et quand bien même ils en auraient un, pourquoi accorder autant de crédit et d’importance à celui-ci ? Le système d’auto-évaluation et d’interprétation de la personne est donc biaisé par ces croyances et va venir la perturber dans ses actions et interactions, ce qui va conforter la piètre image qu’elle a d’elle-même ! Il me semble important de repérer ces pensées automatiques négatives afin de les nuancer. Il est également nécessaire de reconnaître ses petites réussites et de les valoriser. Etre fier de soi n’a rien à voir avec de l’orgueil !

Sur le plan identitaire et émotionnel, on peut avoir une incidence positive sur sa confiance en connaissant au mieux ses forces et ses faiblesses. On peut ainsi avoir une analyse plus objective des choses, mettre en avant ses ressources, travailler sur ses faiblesses et s’affirmer. Etre soi-même, être fidèle à ses valeurs, donner du sens à ses actions… sont de bons moyens pour oser et se sécuriser en vue d’un éventuel échec. Les personnes qui osent ne sont pas dépourvues de peur mais elles se sentent capables d’échouer sans être trop déstabilisées par cette éventualité. Elles se connaissent et savent pourquoi elles se sont engagées dans une telle voie.

Enfin, le pôle comportemental est fondamental. Il nourrit ou au contraire appauvrit la confiance en soi. Il existe un cercle vertueux au sein duquel une personne se lance des défis de plus en plus conséquents, apprend, progresse et repousse les limites qu’elle s’était fixée au départ. Ce parcours n’est pas exempt d’échecs, ils y jouent même un rôle fondamental. La personne apprend à les gérer et comprend qu’ils sont inhérents à toutes expériences. Par ailleurs, la fierté que l’on retire de ses réussites encourage à se lancer des défis plus osés. A l’inverse, une personne qui aurait des envies, des désirs mais qui n’oserait tenter sa chance, ressentirait de la culpabilité face à ce constat et ne bénéficierait pas des apprentissages du cercle vertueux. Elle se sentirait prisonnière du cocon de sécurité qu’elle a tissé autour d’elle, ce qui serait un frein à son épanouissement. L’idée n’est pas de se lancer des challenges trop élevés mais d’apprivoiser peu à peu ses peurs en sortant de sa fameuse « zone de confort ». C’est donc un travail qui s’effectue progressivement, à son rythme mais en étant toujours actif.   

La confiance en soi est un paramètre essentiel du bien être psychologique et de la stabilité émotionnelle. Il n’y a pas de fatalité, on peut progresser dans ce domaine. Cela ne se fait pas sans prendre quelques risques mesurés qui créeront des belles opportunités pour grandir, apprendre et s’épanouir.

La résilience

La résilience correspond à la capacité d’une personne à surmonter les difficultés de la vie. Ce terme est métaphorique car il a été emprunté à la physique où il désigne la capacité d’un métal à résister aux pressions et à reprendre sa structure initiale après avoir été déformé.

En sciences humaines, ce concept a été développé par une psychologue américaine qui a suivi pendant 30 ans des enfants des rues d’Hawaï, sans famille et non scolarisés. Parmi ces 700 enfants, plus de deux tiers d’entre eux étaient « détruits » psychiquement une fois adultes. En revanche, elle a constaté que 28% des personnes de ce panel ne présentaient pas de troubles mentaux lourds et avaient réussi à construire une vie relationnelle et professionnelle stable. Elle a alors étudié les facteurs de protection contre la désorganisation psychique.

A l’origine, ce terme concernait donc la capacité à se développer en dépit de traumatismes précoces et importants. Mais depuis quelques années, on l’emploie plus généralement pour évoquer la capacité à surmonter les épreuves de l’existence à tout âge. Les facteurs de résilience sont nombreux. Certains sont innés d’autres acquis. On distingue :

Les facteurs génétiques : il n’existe pas de personnalités plus résilientes que d’autres. Cependant, certaines personnes sécrètent naturellement davantage d’hormones nécessaires au contrôle des émotions. Ces dernières assurent un rôle protecteur. C’est notamment le cas de la sérotonine.

Les facteurs précoces : il est important que la personne ait pu s’attacher et être aimée durant l’enfance afin de développer une sécurité interne et une stabilité affective minimale. On rejoint ici la théorie de l’attachement de Bowlby que j’aborderai dans un prochain article. Selon ce psychiatre anglais, un jeune enfant a besoin de développer une relation d’attachement avec au moins une personne qui prend soin de lui de manière cohérente et continue afin qu’il puisse se développer socialement et émotionnellement de manière « harmonieuse ».

Les facteurs relationnels et environnementaux : la présence, le soutien et l’écoute d’autrui constituent des facteurs de résilience fondamentaux. A tout âge de la vie, les « tuteurs de résilience », sont les personnes qui nous écoutent, nous aiment, nous donnent confiance, nous stimulent et croient en nous.

Les facteurs intrapsychiques : des études montrent enfin qu’il existe des ressources internes innées et/ou acquises qui nous permettent de faire face efficacement aux difficultés de la vie. Il est important de les cultiver. Il s’agit des capacités de communication et de mentalisation (mise en mots et recherche de sens), de la perspicacité (analyse objective de la situation), de l’indépendance (capacité à être seul), de l’initiative et de la créativité (capacité à se réinventer, à avoir des projets et à s’adapter), de l’humour…

L’un des termes que je préfère dans mon domaine est une défense adaptative appelée « sublimation ». Elle consiste grossièrement à transformer un vécu négatif en un projet positif. Il ne s’agit pas d’effacer ou de nier la blessure mais de l’intégrer à son nouveau projet de vie, de faire « avec ». L’épreuve nous permet de puiser des ressources insoupçonnées au fond de nous-mêmes pour transformer l’épreuve en leçon, la vulnérabilité en richesse et l’obstacle en tremplin !

Ces pensées qui nous induisent en erreur…

Beaucoup d’évènements de notre vie échappent à notre contrôle. Mais la lecture que l’on en fait est subjective, elle nous appartient. En psychologie, on dit souvent que nos pensées créent notre réalité. A l’échelle d’une journée, d’une semaine, d’une année, la somme de nos pensées teinte notre vécu et a un impact sur notre bien être.

La plupart de ces pensées sont automatiques, réflexes. Elles nous permettent de traiter les informations issues de notre environnement pour lui donner du sens. De nombreuses études en neurosciences montrent que celles-ci sont guidées par une volonté d’économie de temps et d’énergie. En clair, notre cerveau a tellement à faire que la plupart de nos pensées sont rapides, superficielles et simplistes. Cela va engendrer des erreurs de perception, d’évaluation ou d’interprétation. De plus, leur utilisation répétée va avoir tendance à les renforcer neurologiquement au fil du temps. Elles pourront alors devenir ce que l’on appelle des « croyances ».  

Ces pensées qui sont des erreurs d’appréciation sont aussi appelées « biais cognitifs ».

En thérapie, on questionne souvent ces schémas de pensées afin de les rendre conscients et éventuellement de les modifier quand ils perturbent la vision du monde de la personne et jouent un rôle néfaste sur son bien être mental. C’est un levier intéressant car il favorise le changement. C’est aussi un facteur de résilience et de protection contre les psychopathologies. L’idée est de sortir des pensées irrationnelles pour aller vers les pensées les plus objectives possibles.

Il existe de nombreux biais cognitifs qui engendrent des préjugés, des erreurs d’appréciation sur les autres, nous font prendre de mauvaises décisions mais aussi acheter des choses dont nous n’avons pas besoin (certaines techniques de vente jouent sur nos biais cognitifs !). Mais dans cet article, j’ai souhaité lister celles qui ont un impact sur la vie psychique.

La disqualification du positif : il s’agit d’une lecture uniquement négative des évènements. Le positif et le neutre ne sont pas considérés. La personne se prive notamment des conséquences positives de ses actes. Au cabinet, les personnes manquant de confiance en elles présentent souvent ce type de pensées automatiques à propos d’elles-mêmes.

Biais de confirmation : c’est la tendance à privilégier les informations qui confirment nos idées préconçues et à accorder moins de crédit à celles qui nous prouvent le contraire. En clair, on croit ce que l’on veut croire. Quand on est déprimé, on va avoir tendance à ne relever que les choses négatives, confirmant que le monde est moche. Le biais de confirmation est aussi celui qui nous fait trouver des « signes » autour de nous…

Pensée en tout ou rien : il s’agit d’une pensée radicale manquant de nuance. On pourrait la retrouver chez une personne ayant connu un échec et se considérant dès lors comme incapable de réussir, comme une ratée. On la retrouve aussi souvent après une déception amoureuse. Les personnes de l’autre sexe deviennent alors toutes mauvaises !

La prophétie : il s’agit d’une conclusion à propos de l’avenir, de soi ou d’autrui tirée d’une intuition. Je dis souvent à mes patients d’être prudents avec leurs intuitions. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas les écouter mais il est essentiel de les questionner et de ne pas persévérer dans une idée réflexe et simpliste afin de ne pas commettre d’erreur de jugement.

La pensée catastrophique : ce biais consiste à envisager un scénario catastrophe sur la base d’un ou plusieurs incidents mineurs. Les personnes anxieuses mettent en place ce biais automatiquement, notamment pour se préparer mentalement à la dite catastrophe. Cependant, cette anticipation génère un état de tension quasi permanent alors que les catastrophes sont inévitables que l’on s’y prépare ou pas et sont finalement… assez rares !

Raisonnement émotif : cela consiste à raisonner, agir ou décider sur la base d’une émotion plutôt que sur des éléments plus rationnels et donc de considérer ces ressentis comme des preuves. Ce mécanisme se retrouve dans toutes les émotions que l’on projette sur les autres et les évènements. Si je me suis sentie stupide dans cette soirée, tout le monde l’a pensé, si j’ai peur d’aller à cet entretien professionnel, c’est parce que cette entreprise n’est pas celle qu’il me faut, si je n’ai pas confiance en moi alors je vais devenir suspicieux envers mon conjoint et donc jaloux…

Rigidité et obligation: c’est faire les choses parce qu’on estime qu’elles doivent être faites sans en questionner le sens. On retrouve ce manque de flexibilité chez les gens qui agissent pas obligation, qui ne savent pas dire « non », qui s’imposent une rigueur excessive dans certains domaines ou encore qui sont intransigeants envers eux-mêmes.  

Biais de statu quo : c’est résister au changement estimant que toute nouveauté comporte plus de risques que d’avantages. On préfère alors que les choses restent comme elles sont même si elles ne sont pas satisfaisantes.

Effet Barnum : c’est un biais consistant à accepter une vague description de notre personnalité comme s’appliquant parfaitement à nous-mêmes. Si je vous dis : « une blessure dans votre parcours a changé votre vision de chose et vous impacte toujours aujourd’hui », « vous avez du caractère mais il ne peut pas toujours s’exprimer », « vous manquez de confiance dans certains domaines », « vous êtes perfectionniste quand vous accomplissez certaines tâches qui vous passionne mais paresseux pour d’autres », « vous avez besoin d’être aimé », il y a de fortes chances que vous puissiez dire que cela vous concerne. Pourtant, ces affirmations sont tellement vagues qu’elles concernent quasiment tout le monde. C’est ce mécanisme qu’utilisent les horoscopes mais aussi les voyants. Ajoutez à cela le biais de confirmation mentionné plus haut et l’adhésion au propos sera effective !

Il est donc intéressant de repérer ce type de pensées chez soi afin de ne pas commettre d’erreurs de jugement ou de ne pas prendre de mauvaises décisions. Elles peuvent aussi nous entraîner dans une spirale négative dans des périodes de vulnérabilité.

Et pour terminer, sachez que le « biais d’angle mort » est celui qui nous fait échouer à reconnaître nos propres biais mais à repérer plus facilement ceux des autres !

Dix choses à savoir sur le test de QI

L’intelligence est une notion complexe à définir et qui varie selon le domaine dans lequel on se situe. Le Larousse la définit comme « l’ensemble des fonctions mentales ayant pour objet la connaissance » mais aussi comme « l’aptitude d’un être humain à s’adapter à une situation ». Les notions de connaissance, de compréhension et d’adaptation reviennent fréquemment dans les définitions. Mais si l’intelligence est complexe à définir, son évaluation l’est également.

1 – Beaucoup de tests d’intelligence existent mais dans le domaine de la psychologie c’est l’échelle de Weschler qui fait majoritairement référence pour les adultes car elle possède la plus grande validité scientifique. Il s’agit de la WAIS IV (Wescher Adult Intelligence Scale, quatrième version). Ce psychologue américain a créé la première version en 1939. Seuls les psychologues (souvent les neuropsychologues) et les médecins formés à la passation de ce test sont habilités à effectuer cette évaluation. Ce test s’adresse aux personnes âgées de 16 à 79 ans et 11 mois (!!!). Peu de spécialistes possèdent le matériel nécessaire à cette passation. Il s’agit d’une mallette dont le prix varie entre 1200 et 2000€.

2 – Le score obtenu à l’issue de cette passation (c’est-à-dire le quotient intellectuel) est une moyenne entre le QI verbal et le QI de performance.

  • Le quotient intellectuel verbal correspond aux connaissances acquises, au raisonnement verbal et à l’attention portée au matériel sémantique.
  • Le quotient intellectuel de performance mesure majoritairement le raisonnement dit « fluide » c’est-à-dire non acquis par l’école, la culture, l’éducation… tel que le traitement visuo-spatial, l’attention aux détails, les capacités mnésiques, la logique mathématique…

3 – La passation de la WAIS IV dure entre une heure et deux heures. Elle est constituée de dix épreuves principales et de cinq épreuves complémentaires qui ne sont pas systématiquement proposées. Certaines épreuves sont chronométrées. Des planches et du matériel sont manipulés au cours de certains subtests. L’épreuve s’arrête en cas d’erreur de la personne (d’où la variabilité de la durée de l’évaluation). Je ne peux vous dire quelles sont ces épreuves sous peine de biaiser une potentielle future passation mais pour vous faire une idée sachez que l’on doit définir des mots de plus en plus complexes, mémoriser des séries de chiffres, reproduire des formes géométriques, résoudre mentalement des problèmes arithmétiques…    

4 – Le calcul du quotient intellectuel s’effectue de la manière suivante : la valeur 100 correspond à la moyenne de la population. Il s’agit donc d’un indice. Pour caricaturer, on a fait passer le test à un panel représentatif de la population française, on fait la moyenne des scores obtenus et on attribue à cette valeur l’indice 100. Une personne ayant une intelligence normale (au sens premier du terme, dans la norme) aura donc un QI de 100. Si l’on se réfère à la courbe de Gauss ci-dessous, 68% de la population à un QI compris entre 85 et 115. L’intelligence supérieure (QI compris entre 115 et 130) ne concerne de 13,5% de la population. Enfin, seul 2,5% de la population possèdent un haut potentiel intellectuel.

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5 – L’effet Flynn correspond à la nécessité d’actualiser les échelles car l’intelligence de la population a tendance à augmenter de manière constante. Ceci explique pourquoi la WAIS a été réactualisée quatre fois. Cependant, on assiste actuellement à la première stagnation voire baisse de ces scores depuis l’existence du test (1939)!

6 – On estime qu’une personne ayant fait 16 années d’études à partir du CP (ce qui correspond à un bac +4) aurait au moins 115 de QI. Le QI d’Einstein a été estimé à 160. Le plus haut score jamais évalué est de 230 !

7 – L’Organisation Mondiale de la Santé distingue plusieurs degrés de retard mental :

  • léger (QI de 50 à 69)
  • moyen (QI de 35 à 49)
  • grave (QI de 20 à 34)
  • profond (QI inférieur à 20).

Dans les faits, on peut difficilement évaluer une personne ayant un retard mental moyen, grave ou profond en raison de la durée du test et de l’attention qu’il requière.

8 – Les tests trouvés sur internet n’ont donc aucune validité scientifique et les résultats n’ont aucune valeur.

9 – La WAIS-IV comporte plusieurs biais (qui engendrent des erreurs dans les résultats). Le biais culturel est le plus souvent mentionné. L’éducation, la scolarité et la culture (le milieu social ?) de la personne influent sur ses résultats positivement ou négativement. Le stress, la fatigue, les capacités d’attention jouent également sur la passation et donc les résultats. Pour avoir passé certaines épreuves durant mes études lors d’un cours tardif, je peux vous dire que ce test demande une énergie intellectuelle considérable. Je me souviens m’être dit que j’aurais probablement mieux réussi en matinée.

10 – La WAIS-IV connaît une autre limite non négligeable. Elle ne mesure pas tous les intelligences émotionnelles, sociales, créatives, pragmatiques/pratiques…

Le stress

Le stress est une réaction à un danger réel ou supposé qui nous alerte et nous met en éveil. Il nous permet d’être plus vigilants, de créer et de mettre en place des solutions, de nous dépasser… Il permet de potentialiser nos capacités (bon stress) mais peut également avoir un effet paralysant (mauvais stress). Quoi qu’il en soit, ce phénomène doit être transitoire. Si il perdure dans le temps, nous risquons de nous épuiser car notre organisme ne peut plus faire face, sa capacité d’adaptation étant insuffisante ou « débordée ».

En psychologie, le stress est lié à un évènement précis qui en est la cause. On le distingue de l’anxiété qui est diffuse et s’apparente à une inquiétude vis-à-vis d’éventuels futurs évènements négatifs. L’angoisse quant à elle, possède une dimension physique d’oppression et un sentiment d’impuissance face à une difficulté ou une souffrance profonde.    

Quand nous affrontons un ou plusieurs facteurs de stress, notre corps sécrète différentes hormones (cortisol, adrénaline…) dans le but d’assurer son auto-protection. Ce phénomène biologique est donc essentiel pour notre survie. Cependant, nos modes de vie actuels nous exposent parfois non pas à un stress aigu mais à un stress chronique c’est-à-dire une exposition prolongée à celui-ci. Il est mauvais pour la santé car il épuise l’organisme. Il existe en outre un effet boule de neige dû au débordement des capacités d’adaptation et au dérèglement des autres systèmes du corps qui génèrent encore plus de stress. Par exemple, le stress engendre des troubles du sommeil qui entraineront à leur tour une majoration de ce phénomène.  

Il s’agit donc dans un premier temps d’en repérer les premiers signes, ce qui n’est pas aussi simple qu’on pourrait l’imaginer. La « lutte » et l’adaptation les camouflent. De plus, ils sont différents chez chacun d’entre nous : isolement, irritabilité, troubles du sommeil ou de l’alimentation, maux physiques, ruminations… Connaître ces indicateurs me semble important.

Dans un second temps, il s’agit d’être actif pour abaisser le niveau de sa jauge interne de stress. Ces conduites sont à mettre en place sur la durée dans un but préventif si l’on est sujet à ce phénomène de manière récurrente. La triade la plus connue en psychologie pour lutter contre le stress est la suivante : hygiène de vie – sport – relaxation. Il est effectivement nécessaire de respecter son besoin de sommeil et de s’alimenter de manière équilibrée. Le sport est également une thérapeutique non médicamenteuse dont les bénéfices physiologiques et biologiques ne sont plus à démontrer. Enfin, la relaxation, la méditation, la visualisation positive, le travail sur soi, l’introspection permettent une détente salvatrice du corps et de l’esprit.

On peut ajouter à cette triade, l’organisation et l’anticipation afin d’éviter les « coups de stress » inutiles. On favorisera aussi les activités favorisant la sécrétion d’« hormones du bonheur »  (voir illustration de l’article). J’ajouterais à cette liste non exhaustive le difficile « lâcher prise ». Dans la vie, tout ne se déroule pas toujours comme on le souhaite. Il est important de lâcher prise concernant les choses sur lesquelles on ne peut influer. Il s’agit d’énergie « gâchée ». Il est donc important de prendre du recul sur ces tracas du quotidien en réfléchissant à l’action que l’on peut avoir dessus. Il faut analyser les situations qui agacent ou agressent, en étudiant leur importance ou leur insignifiance pour prendre de la distance vis-à-vis d’elles.

Enfin, en 8 ans d’exercice, j’ai remarqué que mes patients les plus stressés avaient deux points communs. Le premier est la mise en place systématique de pensées qui créent et entretiennent ce stress. Ce sont des personnes qui ont toujours une lecture négative des évènements, donc ne prennent pas en compte les aspects positifs. Un petit échec est longuement ruminé quand les belles choses sont à peine notées. Ils se font des auto-reproches permanents et ne valorisent jamais leurs réussites. Ils n’apprécient pas assez l’instant présent, trop soucieux de l’avenir et tracassés par les évènements passés. Je les amène à repérer ces systèmes de pensées et nous travaillons à une analyse non pas utopiste mais réaliste et plus objective des choses. Ces pensées négatives drainent notre énergie qui n’est alors plus disponible pour affronter les tracas du quotidien.

L’autre point commun de toutes ces personnes est la passivité face à ce stress chronique. Ils le constatent, le subissent mais jamais ne mettent en place les solutions qui fonctionnent pour mieux le gérer. Comme le disait Einstein, on ne peut pas « faire toujours la même chose et espérer un résultat différent ». Sans tomber dans la moralisation, il me semble essentiel de mettre en place ces conduites car elles apportent tout simplement une meilleure qualité de vie.

Pour finir, l’inscription sur le long terme est importante. Il serait dommageable d’agir uniquement lorsqu’on est exaspéré par l’omniprésence du stress dans notre de vie et de tout abandonner quand on observe les premiers bénéfices de notre action. On prendrait alors le risque de voir le stress réapparaître quelques semaines plus tard…

Le deuil amoureux

La plupart des êtres humains ont connu ou connaîtront une rupture sentimentale au cours de leur vie. La souffrance morale qui l’accompagne marque quiconque la vit. Il s’agit d’un véritable processus de deuil qui suit les étapes du schéma ci-dessus dans la majorité des cas (en abscisse le temps et en ordonnée le bien être), avec des différences inter-individuelles en termes de durée et d’intensité. Traditionnellement, en psychologie, on estime qu’une personne qui subit une perte doit effectuer un travail psychique et passer par ces grandes étapes pour « faire son deuil ». Cela signifie qu’elle va se réinscrire dans sa vie en ayant accepté cette perte. Sa tristesse sera moins vive (ou inexistante) quand elle l’évoque et elle pourra ainsi poursuivre son chemin. Une partie de sa personnalité peut être réorganisée par cet évènement que ce soit positivement (ex : nouveaux défis de vie) ou négativement (ex : difficulté à faire confiance en autrui).  Freud distingue le deuil compliqué du deuil pathologie. Le premier se rapporte à un blocage dans l’une de ces étapes, à une souffrance intense et durable ou encore à l’inhibition de ce processus. Le second fait référence à la survenue d’une maladie mentale dans la période du deuil. Celui-ci fonctionne alors comme un catalyseur, un déclencheur entraînant une décompensation vers une pathologie.

Dans cet article, j’ai souhaité évoquer cinq points qui me semblent importants lorsque l’on vit une telle période. Il s’agit de connaissances empiriques, issues de mon observation et de mon expérience. Ces conseils vont dans le sens du travail de deuil et permettent pour le moins d’éviter une stagnation préjudiciable. Cependant, ils n’excluent pas le passage par les étapes fondamentales mentionnées précédemment.

Tout d’abord, il est essentiel d’accepter la tristesse inhérente à cette étape de vie. Le deuil s’accompagne toujours de souffrance morale dont les symptômes sont proches de ceux de la dépression (humeur triste, perte d’énergie, troubles du sommeil et de l’alimentation…). Il s’agit d’un phénomène certes pénible mais NORMAL. Beaucoup de mes patients luttent contre cet affect en l’évitant. Ils vont aller trop vite vers une nouvelle relation, se jeter à corps perdu dans le travail ou une activité, prendre des somnifères dès que la tristesse apparaît… Il me semble important de prendre conscience du caractère normal de ce phénomène et de l’accepter. La perte d’un être aimé, de ses repères, le manque, la nostalgie, le deuil des projets engendrent logiquement de la tristesse. Dans le schéma ci-dessus, pour faire l’économie de la tristesse, les personnes peuvent avoir tendance à retourner vers la colère, émotion plus « acceptable ». On peut alors voir apparaître une volonté de vengeance, de rendre l’autre jaloux ou de le faire réagir. Si l’on en croit ce schéma fort connu, cela ne va pas dans le sens d’une avancée…

Un autre point fondamental est d’échanger à propos de cette difficulté. Une récente étude américaine effectuée auprès de 200 individus venant de vivre une rupture, a montré que l’évoquer de manière importante et répétée permettait de s’en remettre plus rapidement. Que ce soit auprès d’un ami cher, de membres de sa famille ou encore d’un professionnel, communiquer aide à avancer dans ce processus. Les bénéfices sont multiples : en parlant on évacue mais on fait aussi du « tri » dans ses souvenirs, des liens, on prend de la hauteur, on comprend, on fait descendre l’autre du piédestal sur lequel il se trouve parfois, on reçoit des conseils, des points de vue différents du nôtre qui amènent à une autre réflexion… Nous sommes ici au cœur du processus de deuil selon moi. Dans la même veine, écrire peut apporter des bénéfices intéressants.

Il me semble également important de tout miser sur ce que j’appelle les « valeurs sûres » dans cette épreuve. Ce sont des personnes que l’on aime, qui nous rassurent, auprès de qui on se sent en confiance mais aussi de passions,  de centres d’intérêts, d’activités qui nous plaisent… Il n’est pas rare d’avoir des difficultés à aller vers autrui dans ce genre de période mais aussi de ressentir un manque d’envie et d’énergie rendant une activité autrefois appréciée moins agréable. Cependant, ces sorties, ces entrevues, ces échanges, ces moments pour soi prennent rétrospectivement un sens et font avancer dans le processus de deuil. Ils nous ramènent « vers la vie » et nous prouvent petit à petit que l’on peut exister sans l’autre.  

Un autre point fondamental est le maintien ou la mise en place d’une bonne hygiène de vie. Cela peut paraître étonnant mais les affects négatifs, le perte de confiance en soi et le manque d’énergie peuvent avoir un impact négatif sur le sommeil, l’alimentation, l’activité mais aussi les consommations diverses. La plupart des personnes que je reçois dans la phase aigu du deuil amoureux ne mangent plus, ne dorment plus, fument et boivent plus que d’habitude, consomment beaucoup de somnifères, ne sortent plus… Dans ces conditions, les forces vives pour affronter le deuil sont amoindries, le terrain est très favorable au stress voire aux crises d’angoisse et le quotidien devient très compliquée. Encore une fois, il y a quelque chose de normal dans cet état. Cependant, il faut savoir en sortir en prenant conscience de son caractère néfaste dans la durée. Consulter un médecin, un thérapeute ou plus simplement prendre l’air, se forcer à manger un peu, sortir du lit, méditer, éviter les toxiques, écrire, faire du sport, communiquer… sont des conduites conscientes essentielles pour avancer et éminemment salutaires dans ce processus.

Pour finir, et c’est l’un des points les plus importants, il est nécessaire d’ACCEPTER au plus vite cette perte et de tendre malgré la douleur vers le plus grand des réalismes. Notre psychisme en souffrance peut avoir tendance à s’accrocher à de vains espoirs, à la petite phrase qui va dans le sens souhaité, oubliant toutes celles qui disent le contraire. On n’apprécie pas les commentaires réalistes, radicaux, mentionnants le caractère irrévocable de la rupture de la part des proches dans ce genre de moment. Pour avancer, il faut pourtant s’auto-convaincre de l’idée douloureuse que l’on va devoir faire sa vie sans l’autre.

Il est donc essentiel de trouver des compromis entre isolement et contacts sociaux, entre acceptation de la tristesse et remise en action, entre expression et contrôle des émotions. Il faut savoir se faire confiance dans cette épreuve douloureuse mais aussi croire en sa capacité de rebondir. Elle peut servir d’électrochoc pour se réinscrire différemment dans sa vie. En effet, cette sensibilité, cette vulnérabilité ne sont pas uniquement désagréables, elles nous permettent de nous questionner et de nous remettre en question pour reconstruire une vie qui nous correspond mieux.    

Les enjeux de l’adolescence

L’Organisation Mondiale de la Santé considère l’adolescence comme la période de croissance et de développement humain qui se situe entre l’enfance et l’âge adulte, approximativement entre les âges de 10 et 19 ans. C’est parfois une période rude pour celui qui la vit, mais aussi pour son entourage. On a tendance à la caricaturer en tant qu’adulte, oubliant à quel point les émotions vécues étaient vives à cette époque, à quel point nous nous sentions vulnérables, sensibles, déstabilisés par les changements relatifs à cette période. Au cœur de cette étape fondamentale de vie, se trouvent des modifications corporelles, cognitives, psychologiques, sociales et affectives qui mettent à mal les capacités d’adaptation de l’adolescent.

L’adolescence débute par un phénomène biologique : la puberté. Les changements physiques, métaboliques et hormonaux conduisent à la possibilité de procréer. En 50 ans, et sans en connaître la raison exacte, l’âge de la puberté a progressivement avancé, passant de 12 à 10 ans environ*. Cela entraîne un décalage entre les pulsions sexuelles et la maturité intellectuelle, qui elle, suit son cours habituel. L’ado doit composer avec ce corps changeant et « étrange », qui manifeste de plus en plus son identité sexuelle. Encore une fois, on oublie à quel point ce changement rapide et radical peut être perturbant, notamment quand on ne possède pas les compétences émotionnelles et cognitives pour l’affronter. Pour finir, les processus hormonaux peuvent entraîner des sautes d’humeur, d’où ce côté versatile parfois pénible mais en partie involontaire!

Un autre aspect se modifie durant cette période et on l’ignore souvent : le domaine cognitif (ou intellectuel). L’adolescent va accéder à la pensée formelle c’est-à-dire devenir capable de mettre en place un raisonnement abstrait. Cela va lui permettre de progresser dans sa capacité à gérer les relations humaines et à lier passé et présent. Il va améliorer ses capacités de communication et sa flexibilité mentale. En progressant sur ces points, l’adolescent va pouvoir recourir de moins en moins souvent à ses parents pour trouver des solutions aux problèmes qu’il rencontre. Cela va lui permettre de poursuivre ses apprentissages. Enfin, et c’est un point essentiel, les zones cérébrales de contrôle des émotions notamment le cortex pré-frontal vont connaître une évolution importante. C’est vers l’âge de 16-17 ans que ces aspects se stabilisent. Un jeune de 12 ans est donc en pleine construction neurologique et on lui demande parfois des choses dont il est tout bonnement incapable.

Sur le plan social, les choses changent également. Le groupe de pairs (ou d’amis) devient central dans la vie de l’adolescent qui porte temporairement moins d’intérêt à sa famille. Au sein de celui-ci, il progresse socialement et s’émancipe. Il apprend à coopérer, à résoudre les conflits et à communiquer. Le groupe de pairs est souvent de même sexe au début de l’adolescence puis devient peu à peu mixte. Le groupe aide le jeune dans sa construction identitaire. Il se conforme pour pouvoir s’individuer par la suite.

Par ailleurs, on assiste à de nombreux remaniements psychiques durant cette période. L’accession à la pensée abstraite va mener à une prise de conscience accrue de soi et à la capacité à réfléchir sur son propre être. C’est à ce moment qu’apparaissent les premières questions métaphysiques : Qui suis-je ? Ou vais-je ? Vous connaissez la suite… Ces pensées vont s’ancrer dans le corps qui va devenir un lieu symbolique d’expression des conflits. Dans un premier temps, il va être radical dans ses prises de position et passer d’un extrême à l’autre pour faire preuve par la suite de plus de nuance. Ce tâtonnement lui permet de construire son identité. Il va s’identifier à ses pairs mais aussi à des « idoles » qui vont servir ce processus. Les changements successifs concernant les centres d’intérêts marquent des caps dans son évolution. C’est une période marquée par de nombreux essais et expériences, qui engendrent parfois des prises de risque ayant valeur de lutte contre l’angoisse. La réflexion à propos des questions morales, du bien et du mal va prendre de l’importance. Tous ces remaniements ne sont possibles que dans une forme d’égoïsme et parfois de mégalomanie. Ils demandent trop de travail interne pour que l’ado puisse présenter un intérêt à l’égard du monde qui l’entoure. Il ne s’agit donc nullement d’un « égoïsme de confort ».

Enfin, et c’est un point central selon moi, l’adolescence est une période au cours de laquelle se construit l’identité au travers des expériences, échanges, relations… Erikson** considère l’identité comme une synthèse réalisée à partir de son histoire personnelle, des besoins du présent, de ses traits de caractère et des attentes du futur. Lorsque l’identité connaît des remaniements qui aboutissent à une intégration flexible mais durable dans des domaines de vie fondamentaux, l’humain connaît une « crise » et ce, à n’importe quel âge. Ce travail est essentiel même s’il prend du temps et engendre quelques « remous » à l’adolescence. Les auteurs en psychologie considèrent le pôle identitaire comme un « atout développemental », notamment la connaissance de ses forces et faiblesses relatives.

Il me semble donc nécessaire de faire preuve de tolérance face à nos ados parfois ingrats ou injustes. Ils doivent composer avec des changements touchant à toutes les sphères de l’individu tout en n’étant pas très armés pour y faire face. De plus, ces mouvements sont parfois contradictoires, ce qui donne cet aspect paradoxal et fluctuant au comportement. Dans cette période troublée et même si il le conteste, il a désespérément besoin de cadre, de limites mais aussi de sécurité, d’amour, d’écoute et de bienveillance. Il me semble important de se mettre à son niveau pour pouvoir l’aider, notamment en se souvenant à quel point la moindre contrariété était pénible à gérer à cette époque. C’est un tord que d’en avoir une lecture d’adulte.

Bien que l’aspect biologique détermine le début de ce processus, la durée et les spécificités de celui-ci varient selon la situation personnelle de l’individu. L’acquisition de l’indépendance économique et sociale, une relative stabilisation émotionnelle et identitaire et l’acquisition de compétences nécessaires à la vie d’adulte conditionnent la fin de cette période.

*http://www.medecine.ups-tlse.fr/desc/fichiers/Puberte%20precoce.pdf

**Psychologue et psychanalyste américain.

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