La question de la manipulation mentale est de plus en plus abordée dans les médias permettant au grand public de se familiariser avec cette notion, ce qui me semble salutaire. Il est important d’en connaître les rouages afin de repérer les signes d’une situation de manipulation pour éventuellement les déjouer voire fuir la relation si elle s’avère néfaste. Cependant, le terme de « pervers narcissique » est fréquemment utilisé à mauvais escient. Il m’a donc semblé important de faire un retour sur cet ensemble de notions afin de les clarifier autant que possible.
Tout d’abord, la manipulation est l’attitude délibérée d’une personne qui cherche à contrôler ou influencer la pensée et les comportements d’une autre à ses dépens. Il s’agit donc de manipuler sa conscience dans le sens où elle adoptera un comportement souhaité par un tiers en ayant la sensation d’agir par elle-même. La personne qui manipule agit ainsi pour servir ses intérêts avant tout, ce qui va à l’encontre d’une relation saine et respectueuse.
Il existe de multiples techniques de manipulation. J’ai souhaité en lister quelques unes :
- Le gaslighting consiste à faire douter l’autre à propos de sa santé mentale.
- La communication floue ou paradoxale consiste à manquer volontairement de précision dans ses prises de parole afin de tourner les choses en sa faveur le moment venu.
- Le chantage et la menace jouent sur la peur et l’empathie de l’autre. La personne menace de se faire du mal ou de punir si elle n’obtient pas ce qu’elle souhaite.
- La victimisation et la culpabilisation consistent à inverser une situation pour imputer la faute à la « vraie » victime et donc reporter la responsabilité sur elle.
- L’humiliation est l’atteinte de l’autre dans sa dignité afin d’endommager son amour propre pour l’affaiblir psychologiquement.
- La triangulation consiste à faire intervenir l’opinion réelle ou supposée des autres (amis, famille…) pour soutenir son propos (ex : tout le monde pense que …).
Comme souvent en psychologie, c’est l’intensité, la durée et les répercussions de ce type de comportements qui font la pathologie. Nous avons tous déjà manipulé une autre personne dans notre vie. La séduction, le chantage, la victimisation… sont des techniques de manipulation courantes. Notons que certaines périodes de vulnérabilité peuvent entraîner une sur-utilisation des comportements manipulatoires (ex : ruptures sentimentales). Cependant un manipulateur n’est pas toujours un pervers narcissique (mais un pervers narcissique est toujours manipulateur !) quand la manipulation est employée ponctuellement ou de manière circonstancielle. C’est l’utilisation répétée de ce mode relationnel et surtout le but de la manipulation qui doivent être questionnés.

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On distingue traditionnellement deux types de manipulateurs pathologiques que l’on nomme personnalités narcissiques en psychologie : le manipulateur égocentrique et le pervers narcissique. Le premier va manipuler autrui car il place ses intérêts avant ceux des autres quand le second le fera dans une véritable volonté de destruction. Il s’agit ici de modes de conduites durables, envahissants et rigides.
Le manipulateur égocentrique est séducteur et confiant. Il présente une faille narcissique dont l’origine est souvent précoce entraînant une recherche constante d’admiration et de reconnaissance. Admiré par le plus grand nombre, il possède un double visage car il utilise le mensonge, la culpabilisation, il déforme la réalité et il est bien souvent passif agressif dans l’intimité. L’humour et le sarcasme sont ses meilleures armes. « C’était une blague ». Oui, mais elle cachait un reproche ou une parole blessante. Ces personnes sont dépendantes du regard d’autrui. Sans lui, elles n’existent pas. Leurs intérêts propres passant avant tout, certains auteurs estiment qu’ « elles ne savent pas aimer ». Je nuancerai ce propos en précisant que la relation est sans cesse parasitée par ces dynamiques de domination et de dépendance. Leurs partenaires souffrent de leur attitude à l’allure égoïste mais aussi d’une relation majoritairement unilatérale.
Le pervers narcissique fait quant à lui référence à une personnalité manipulatrice dans sa forme la plus sévère. On parle de vampirisation du territoire psychique de l’autre dans le sens où le PN va nourrir son narcissisme avec celui de sa victime. Il existe en anéantissant l’autre. Sans cela, il ressentirait une forme de vide en lui (trouble narcissique). Dans un premier temps, il va générer un attachement puissant chez l’autre grâce à sa remarquable capacité à proposer une attitude qui colle à tous ses besoins/rêves. Que ce soit sur le plan professionnel ou sentimental, un tableau idyllique est dressé. Le PN pose ainsi les jalons de son emprise destructrice. Il va instaurer un climat de terreur et de doute grâce à la manipulation. Cependant, le masque ne tombe que progressivement et de manière insidieuse. Il va percevoir intuitivement les blessures et failles de l’autre et va les utiliser pour le déstabiliser. Il va aussi utiliser les valeurs humaines de sa victime telle que son empathie. Ses armes sont la victimisation, l’exploitation émotionnelle, l’omniprésence, l’isolement, la culpabilisation mais aussi l’humiliation et la peur. Il va réussir à réduire à néant tous les moyens de défense et les forces vives dont dispose l’autre au fil du temps, allant même jusqu’à le faire douter de ce qu’il est et de sa santé mentale. Il s’agit d’un véritable assujettissement. Émotionnellement froids, mégalomaniaques et incapables de remettre en question leur fonctionnement, il est recommandé de prendre ses distances avec les pervers narcissiques et de stopper toute communication. Toutes volontés de changement, toutes tentatives d’échanges sur le sujet, toutes réactions émotionnelles seront vaines ou utilisées contre vous.

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Vous aurez compris que le terme de pervers narcissique a tendance à être employé abusivement dans les médias. Il ne peut être utilisé dès lors qu’il y a manipulation, les signes étant en réalité intenses et durables. Cependant, il me semble important que ce sujet soit abordé afin de se prémunir du risque d’entrer dans une relation toxique dont les conséquences seraient extrêmement dommageables.




