L’estime de soi

L’estime de soi est un concept complexe et multidimensionnel. Néanmoins, les auteurs se rejoignent pour dire qu’il s’agit de la perception plus ou moins bonne que l’on a de nous-mêmes. Plus précisément, ce ressenti, rarement neutre, correspond à la valeur que l’on s’accorde, au respect que l’on a pour soi et à l’appréciation de nos capacités. Il est indissociable de l’importance accordée au regard d’autrui. Cette évaluation singulière aura des conséquences sur nos comportements, nos pensées et sur nos émotions.  

Cette simple introduction permet d’entrevoir le caractère ardu et abstrait de cette notion. Il me semble donc nécessaire de définir les différents attributs la composant :

La valeur accordée à soi-même est intimement liée aux valeurs qui sont les nôtres et au respect de celles-ci. Si nos valeurs et nos actes sont relativement en accord, cet attribut sera positif.  

L’acceptation de soi correspond à la connaissance et à l’acceptation du fonctionnement qui est le nôtre: nos atouts, nos compétences mais aussi nos faiblesses et limites. L’acceptation de soi rejoint les notions d’authenticité et d’équilibre interne.

Le sentiment de compétence est la connaissance objective de nos capacités et l’utilisation concrète de celles-ci dans la réalisation de nos projets. Ce sentiment a un impact sur la motivation, la résilience et la persévérance. Cette notion est très proche de celle de confiance en soi.

L’attitude envers soi-même correspond à la capacité à prendre soin de nous en posant des actes constructifs pour soi et en posant des limites nettes avec les autres afin de garantir notre intégrité. On y attache également la notion de discours interne (de quelle manière je me parle à moi-même ?). Nous touchons ici à  la composante dynamique de l’estime de soi.

Le respect de soi concerne la considération que l’on a pour soi, pour notre singularité, nos valeurs et notre dignité. Il s’agit de se respecter suffisamment afin de s’affirmer, oser être soi et se différencier des autres.

L’image de soi est la construction de notre corps dans notre esprit.

Ces différentes dimensions s’influencent mutuellement. Il en résulte une évaluation subjective de soi qui s’avèrera positive ou négative. On peut regrouper les facteurs qui déterminent la construction de l’estime de soi et son évolution selon trois catégories :

L’enfance :

La qualité des relations parents-enfant va conditionner la construction de l’estime de soi. Elle va en assurer les bases. En effet, si ses besoins affectifs et éducatifs sont comblés et s’il perçoit un amour parental inconditionnel, l’enfant va intérioriser le regard positif de l’autre sur lui. Le caractère « inconditionnel » du lien affectif parents-enfant est primordial car il signifie que la valeur de l’enfant n’est pas dépendante de ses réussites, de ses notes… Il intégrera sa valeur intrinsèque et le respect de sa singularité. Les encouragements et l’affection lui donneront une confiance qui favorisera son autonomie et sa volonté d’exploration. Elles nourriront à leur tour l’estime. Sa bonne perception de lui-même sera alors relativement stable. A l’inverse, un amour parental conditionnel, un manque de chaleur dans les relations, une instabilité éducative et affective, un dénigrement répété mais aussi des difficultés extérieures au foyer tel que le harcèlement, le rejet, les difficultés scolaires peuvent impacter négativement l’estime de soi. Ces attitudes délivreront de manière implicite et répétée l’idée que l’enfant n’est pas « aimable », pas à la hauteur. Il intégrera cette idée et y « adhérera » au fil du temps. Enfin, le tempérament de l’enfant peut influencer sa perception de lui-même. S’il est sensible, anxieux ou particulièrement perfectionniste, il risque d’exiger beaucoup de lui-même, d’être attentif aux attentes de son entourage et de se dévaloriser fréquemment.

Perception interpersonnelle :

De nombreux auteurs s’accordent à considérer le regard et le jugement d’autrui comme des déterminants fondamentaux de l’estime de soi. Les interactions sociales permettraient de l’ajuster selon l’image renvoyée en miroir par les autres. Se sentir compétent et reconnu par autrui, principalement dans des domaines qui nous tiennent à cœur, impacterait positivement notre estime personnelle. C’est également le cas des relations harmonieuses avec les autres. La sensation d’être approuvé et considéré tel que nous sommes par autrui participerait à la tonalité positive de notre image de nous. A l’inverse, les relations toxiques, la malveillance, le rejet, le harcèlement subi de manière régulière… ont des effets dévastateurs sur l’estime de soi. A la manière de l’impact négatif des brimades parentales répétées, la victime résiste un temps puis finit par douter d’elle-même et de sa valeur.

Perception intrapersonnelle :

Enfin, la tonalité de l’estime de soi est étroitement liée au fonctionnement interne de l’individu. Elle va être conditionnée par le rapport et l’éventuel écart entre le soi réel et le soi idéal. Par ailleurs, la connaissance de son propre fonctionnement ainsi que de ses valeurs et besoins semble être un pré-requis fondamental puisqu’il conditionnera le respect secondaire de ces éléments. En outre, les expériences de vie et l’évaluation par l’individu de celles-ci impacteront cette dimension. Certains traits de caractère jouent un rôle non négligeable dans ce phénomène : l’optimisme, l’ouverture d’esprit, la détermination, la perspicacité, les qualités d’adaptation… la favoriseront quand le pessimisme, la négativité et le perfectionnisme excessif… l’impacteront négativement. A noter, enfin, qu’une estime de soi élevée et stable entraînera la personne dans un cercle vertueux fait de respect de soi et de ses besoins, d’affirmation et de relations sociales saines qui renforceront à leur tour cette composante.

La valence de l’estime de soi (bonne ou mauvaise) rejaillira sous forme de conséquences cognitives, comportementales et émotionnelles :

ESTIME DE SOI FORTEFAIBLE ESTIME DE SOI
Relative stabilité de l’estime et indépendance vis-à-vis des échecs et réussites

Croyance en ses compétences et en sa capacité à surmonter les obstacles

Bonne connaissance de soi   Reconnaissance de ses défauts, faiblesses, insuffisances

Authenticité quelque soit le contexte

Autonomie

Moindre attachement au jugement d’autrui  

Capacité à s’affirmer, à se défendre, à poser des limites nettes pour sauvegarder son intégrité et sa dignité
Peur de l’échec, perçu comme une menace pour l’ego

« Sur-perception » de ses défauts, faiblesses, insuffisances  

Fatalisme, frustration, culpabilité, impuissance, indécision, négativité

Grande sensibilité au jugement d’autrui

Discours interne sur soi négatif/dévalorisant

Préoccupation pour l’image renvoyée au monde, sensation de « jouer un rôle » dans certains contextes

Difficulté à dire « non », à se défendre, évitement du conflit

Sentiment d’imposture en cas de réussite

Difficulté à se reconnaître des atouts, des compétences, des qualités

Jalousie ou envie

Difficulté à accueillir la rétroaction qu’elle soit positive ou négative

Attitude défensive, irritabilité

Tendance récurrente à se comparer à autrui

Sur le plan cognitif, les dissemblances entre estime forte et faible tiennent entre autre à la perception de l’échec. Les personnes à faible estime vont le redouter et en tirer des conclusions biaisées à propos de leurs valeurs, de l’avenir et de leurs responsabilités. On observe notamment une généralisation quant à son incapacité et une contamination à d’autres domaines. Pour résumé, face à un échec, la personne qui présente une basse estime d’elle-même conclura qu’elle est incompétente dans bien des domaines et que ce sera toujours ainsi. Cela alimentera son discours interne critique et la freinera au moment d’entreprendre dans le futur. Elle ne bénéficiera donc ni des leçons des échecs, ni des gratifications de ses réussites. A l’inverse, la personne qui s’estime accepte les obstacles et échecs comme faisant partie intégrante de tout processus d’évolution et n’en tire pas de conclusions générales à propos de l’avenir, d’elle-même ou de ses capacités. De façon générale, les personnes ayant une bonne estime d’elle-même se comparent peu aux autres. Quand elles le font, une étude a montré qu’elles se comparaient plus facilement vers le bas (il y a pire que moi) tandis que leurs homologues à faible estime le font vers le haut (il y a mieux que moi).

La tonalité de l’estime de soi va également avoir des conséquences comportementales. Elle va conditionner la capacité à passer à l’action, à oser s’engager, à se mobiliser pour les projets importants, à persévérer, à communiquer ses opinions efficacement et sereinement, à décider, à se défendre en cas de besoin c’est-à-dire… à S’AFFIRMER et à se réaliser en tant qu’être humain! Les personnes ayant une faible estime d’elles-mêmes présentent une plus nette propension à abandonner face aux difficultés. Elles procrastinent et prennent en compte l’éventuel jugement des autres pour décider et agir. Cette attitude subie nourrit la mauvaise image qu’elles ont d’elles-mêmes car elles ont pleinement conscience de ces derniers points.

Cela me permet de faire le lien avec la dernière conséquence notable de l’estime de soi : la sphère émotionnelle. Les personnes que j’accompagne au cabinet ont toutes une perception extrêmement lucide des phénomènes cités précédemment, ce qui entraîne logiquement frustration, sentiment d’impuissance, culpabilité, tristesse…  et finit par jouer sur leur humeur globale. A l’inverse, les personnes ayant une estime stable et forte sont plus résilientes car elles font preuve d’un optimisme adaptatif qui leur permet d’imaginer qu’elles auront les ressources nécessaire pour faire face. Cela leur garantit une relative stabilité émotionnelle, une spontanéité, une sensation d’harmonie, d’authenticité, de sécurité, un bien être relationnel… qui les mettront plus à l’abri de la manipulation et des troubles psychiques.

Pourtant, la fragilité de l’estime de soi n’est pas une fatalité. Il convient tout d’abord de comprendre ce qui a pu modeler un tel regard sur soi et notamment d’investiguer du côté des jeunes années et des relations précoces. Cette prise de conscience permettra peut être d’attirer votre attention sur certaines pensées  et conduites conditionnées par votre enfance et qui entretiennent le cycle de la faible confiance en soi. Ce sera ensuite à l’adulte que vous êtes désormais de cultiver l’acceptation et la valorisation de soi dont l’enfant que vous avez été a manqué. Pour cela, il me semble important d’explorer ces différentes idées :

  • Apprenez à vous connaître de manière aussi objective que possible, connaissez vos qualités/défauts, compétences, faiblesses, limites, atouts, croyances, valeurs, freins, fiertés, blocages…
  • Demandez à vos proches qu’ils vous citent vos forces et atouts. Vous risquez d’être surpris non seulement par leur perception qui sera surement moins sévère que vous l’imaginiez mais surtout moins sévère que votre propre évaluation de vous-mêmes.
  • Faites une liste de vos succès passés : vous constaterez qu’ils sont plus nombreux que vous ne l’imaginiez. Relisez cette liste quand votre estime décline.
  • Amorcez des projets liés à vos aspirations et besoins, passer à l’action, osez prendre des risques mesurés et progressifs.
  • Considérez le positif consciemment, soyez fier(e)s de vos petites et grandes réussites et de votre évolution. Prenez le temps de les apprécier et assumez en la maternité.
  • Pratiquez l’exercice physique ! De nombreuses études ont démontré ses bienfaits pour l’estime de soi en favorisant le sentiment de puissance et de maîtrise.
  • Cessez de vous comparer aux autres, concentrez vous sur votre évolution personnelle, mesurez-vous à vous-même.
  • Prenez conscience du discours interne que vous tenez à propos de vous. Tentez de le neutraliser, de le moduler voire même de développer un discours bienveillant à votre égard. N’oubliez pas, « La perception est la réalité ».
  • Soyez conscient du niveau d’exigence que vous avez vis-à-vis de vous ? Est-il réaliste ? Atteignable ? Ambitieux ? Démesuré ? Si tel est le cas, la confrontation à cette vision « parfaite » de vous vous mettra perpétuellement en échec.
  • Fixez vous des objectifs et des paliers vers l’atteinte de votre projet. Ils renforceront le sentiment de maitrise sur sa vie et la capacité à être à l’origine des effets que l’on désire.
  • Choisissez l’une de vos compétences et développez-la. Elle renforcera votre sentiment d’efficacité personnelle.
  • Faites du tri autour de vous, mettez de la distance (physique ou psychologique) avec les personnes qui impactent négativement votre estime de vous.
  • Soyez intègres. Maintenir l’alignement entre ses valeurs et ses comportements est fondamental.
  • Affirmez-vous de manière assertive, pour des batailles qui en valent la peine. En posant ces limites, vous œuvrerez pour la paix et l’harmonie de votre environnement.

Une estime de soi forte est avant tout caractérisée par sa stabilité et non son infaillibilité. C’est un idéal dont on doit chercher à se rapprocher et pour lequel il est bon d’œuvrer en continu.

L’estime de soi résulte donc d’une évaluation subjective de sa valeur par une personne. Elle trouve son origine dans l’enfance mais évolue tout au long de la vie en fonction des liens sociaux, des expériences et de la relation que la personne entretient avec elle-même. Il est important que cette dernière soit aussi lucide, bienveillante et saine que possible afin de garantir une estime de soi forte et stable. Cette dimension de la personnalité mérite qu’on lui accorde de l’importance car elle influence presque tous les aspects de la vie. Elle joue un rôle clé sur les plans identitaires et adaptatifs mais fonctionne aussi comme un « système immunitaire du psychisme ». En nous protégeant face à l’adversité, elle assure un rôle essentiel pour notre santé mentale et nous aide à maintenir notre équilibre interne ainsi que des relations saines avec les autres.

Soyez vous-mêmes, tous les autres sont déjà pris (Oscar Wilde).

La première et la plus belle victoire de l’homme est la conquête de soi-même (Platon).

Le premier ennemi à combattre est à l’intérieur de soi. Souvent, c’est le seul (Christine Orban).

J’accepte la grande aventure d’être moi (Simone de Beauvoir).

Publié par anaiscote

Passionnée de psychologie et de préparation mentale, je suis installée en cabinet libéral depuis 2013. Je souhaite partager mon grand intérêt pour ces domaines et faire connaître mon activité en proposant des articles courts et accessibles à tous. COTE Anaïs 3 rue des Lancharres 71100 CHALON-SUR-SAONE 1 Boulevard Paul Bert 01000 BOURG-EN-BRESSE 07-81-62-05-05

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